Travelling Avant

14 septembre 2009

FNC 2008 : The Good, The Bad, The Weird

Filed under: Action, Cinéma sud-coréen, Festival du nouveau cinéma 2008, Western — Marc-André @ 23:18
The Good, The Bad, The Weird

The Good, The Bad, The Weird

Décidément, le western est un plat cinématographique d’une grande polyvalence. Pour preuve : après avoir été longtemps cuisiné en sauce spaghetti, voici que déferlent les variantes orientales. Takashi Miike l’a apprêté en une délicieuse fondue nipponne complètement fêlée de la marmite dans Sukiyaki Western Django, mais Kim Ji-woon ne s’en laisse pas imposer pour autant. Le talentueux cinéaste sud-coréen nous sert sa propre recette : un buffet de kimchi royal intitulé The Good, The Bad, The Weird.

Transportons-nous à bord d’un train – convention du genre oblige – quelque part en Mandchourie, dans les années 30. Deux individus – le héros (Jung Woo-sung, aperçu dans Musa The Warrior) et le vilain (Lee Byung-hun, propulsé au firmament des acteurs du moment avec A Bittersweet Life) du titre – tentent de mettre la main sur un article fort convoité (ah, ce bon vieux MacGuffin). Mais le butin est subtilisé par un troisième larron, gredin cabotin doublé d’un zigoto dégénéré (l’unique Song Kang-ho, inénarrable comme toujours) qui se retrouve bientôt pourchassé par les deux autres, mais aussi, accessoirement, par l’armée japonaise, sans oublier des hordes de bandits chinois et russes qui sont aussi à ses trousses. La délirante cavalcade qui s’ensuit multipliera les coups de feu, les cascades, les poursuites et les confrontations, en un furieux bouillon de testostérone qui ne semble avoir conservé qu’un concentré hystérique de la mythologie propre au genre.

Un trio d’acteurs de premier ordre, un cinéaste qui ne compte aucune fausse note à son impressionnante feuille de route – The Quiet Family, The Foul King, A Tale of Two Sisters et A Bittersweet Life, c’est ce qu’on appelle une filmographie exemplaire – et qui en rajoute dans les prouesses de mise en scène, des paysages splendides, une direction artistique époustouflante, une enfilade ininterrompue de scènes d’action à l’emporte pièce : nul doute possible, The Good, The Bad, The Weird assume pleinement sa dimension spectaculaire et son statut de blockbuster branché et disjoncté. Le film en jette plein la vue au spectateur, projeté dans une chevauchée épileptique qui comptera bien peu de temps morts tout au long de ses 135 minutes de pure frénésie guerrière mâtinée de touches d’humour saugrenues.

Sur le plan technique, il s’agit certainement du plus grand accomplissement du réalisateur. Kim atteint des sommets de virtuosité lors de plusieurs séquences impressionnantes. En revanche, The Good, The Bad, The Weird est sans doute son film le plus superficiel, tant il loge clairement et quasi uniquement à l’enseigne du blockbuster, certes brillant et soigné, mais qui ne cherche qu’à épater son public au moyen de ses prouesses visuelles et du panache de ses séquences d’action, bien sûr rehaussées de quelques savoureuses références aux oeuvres phares du western.

Cet aspect pourra constituer une déception pour les inconditionnels du cinéaste, après les sommets atteints dans ses deux films précédents, les remarquables A Tale of Two Sisters et A Bittersweet Life. N’oublions pas, toutefois, que Kim Ji-woon est le cinéaste protéiforme et caméléon par excellence, capable de passer de la comédie au cinéma d’épouvante, en passant par le film noir et le film d’action pur beurre. Aussi, ne boudons pas notre plaisir devant cette virevoltante démonstration de savoir faire, tout en souhaitant que le déferlement ludique laisse ensuite place à une oeuvre plus riche et substantielle.

9 août 2009

Thirst et Tokyo Sonata, à l’affiche à Montréal

Filed under: Cinéma japonais, Cinéma sud-coréen — Marc-André @ 22:47
Thirst

Thirst

Pincez-moi, je rêve : pas un, mais bien deux films asiatiques ont pris simultanément l’affiche à Montréal cette fin de semaine. L’événement est trop exceptionnel pour ne pas le souligner, d’autant plus qu’il est question de deux sorties d’importance. L’une provient de Corée du Sud et l’autre du Japon, et chacune propose la plus récente oeuvre de cinéastes dont on suit le travail avec un immense intérêt.

Thirst, de Park Chan-wook, était l’une des têtes d’affiche de Fantasia il y a à peine quelques semaines, où il a été présenté en première nord-américaine après avoir raflé ex aequo le prestigieux Prix du jury au Festival de Cannes. C’était un film extrêmement attendu, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la plus récente offrande du chef de file de la nouvelle vague sud-coréenne divise fortement les avis. Certains le considèrent comme le meilleur film du réalisateur de la célèbre trilogie de la vengeance, ce qui n’est pas peu dire. D’autres sont restés plus perplexes devant la dimension baroque de l’oeuvre, qui bascule allègrement de la comédie au drame en passant par un cocktail déroutant de références zoliennes et de relectures étonnantes de la mythologie vampirique. Je dois malheureusement me ranger dans le second camp, en dépit du fait que plusieurs aspects m’ont grandement plu. Je suis d’avis que l’oeuvre est en bonne partie gâchée en raison d’un traitement humoristique qui m’a semblé se perdre dans ses excès de cabotinage malvenu. (Voir mon compte rendu pour plus de détails). N’empêche, Thirst est assurément un film incontournable pour tous les amateurs de cinéma asiatique et de cinéma fantastique, et la diversité des opinions ne fait que confirmer que l’on n’a pas fini d’entendre parler de ce film singulier et d’une indéniable richesse sur le plan de la mise en scène, que je me promets d’ailleurs de revoir. À voir au AMC Forum pour se faire sa propre idée.

Tokyo Sonata

Tokyo Sonata

Tokyo Sonata, de Kiyoshi Kurosawa, est en revanche un coup de coeur absolu. Je dois dire que je suis un inconditionnel de l’oeuvre idiosyncratique de ce cinéaste que l’on a trop rapidement et injustement associé à la vague déferlante du J-Horror, et qui mérite certainement mieux que d’être confiné à la vague horrifique nipponne des dix dernières années. Mais là, il se surpasse et atteint un état de grâce exceptionnel avec cette méditation énigmatique et touchante sur l’éclatement des cellules sociale et familiale du pays du soleil levant.

Plusieurs commentateurs ont affirmé que le réalisateur renouvelait en profondeur son oeuvre et son approche avec ce film, et il est vrai qu’il signe ici une pièce magistrale qui se hisse aisément au sommet de sa filmographie, aux côtés de Cure. Mais n’écoutez pas les propos évoquant un détour du côté du réalisme : Tokyo Sonata n’est en aucun cas à considérer comme une rupture de ton. Au contraire, ce récit d’un père de famille soudainement licencié, qui le dissimule à sa femme et à ses enfants qui sont, eux aussi, en proie à des dilemmes d’ordre existentiel et à des jeux de cache-cache, se déploie en parfaite continuité avec ses oeuvres précédentes. Il se détache toutefois des filiations plus directes avec le cinéma de genre, ce que Kurosawa avait entamé antérieurement dans des oeuvres telles que Charisma et Bright Future, déjà nettement en retrait des poncifs horrifiques attendus. Tokyo Sonata mène ces explorations plus loin, avec un propos social mieux défini : ici, le fardeau des responsabilités professionnelles et le rôle et les aspirations de chacun au sein du noyau familial seront mis à rude épreuve. Chacun, parent, enfant, sera forcé de se redéfinir.

Certes, des cinéastes tels que Laurent Cantet, avec L’emploi du temps, ont déjà exploré avec pertinence des thématiques similaires. Mais Kiyoshi Kuroswawa filme le moment de la fêlure, capte les signes de l’éclatement progressif du modèle nippon et imagine ses retombées, d’une grande puissance symbolique. La radiographie débouche ainsi dans des zones cinématographiques radicalement nouvelles. En explorant les frontières d’un fantastique soudainement plus diffus, quasiment imperceptible, Kurosawa travaille la porosité du réel et l’irrésistible fissure des masques sociaux avec une acuité et un sens du mystère époustouflants, qui n’exclut pas le recours à quelques éléments comiques qui ne font qu’accentuer la fascinante étrangeté de l’ensemble.

Le propos est d’une indéniable actualité, et la mise en scène, admirable d’intelligence. La séquence finale est à elle seule un moment d’anthologie pure qui soulève un frisson et une vague d’émotion. Que vous ayez apprécié ou non les autres films de Kiyoshi Kurosawa, faites-vous un devoir de visionner Tokyo Sonata. À l’affiche de Cinéma du Parc.

5 août 2009

Retour sur Fantasia 2009 : la sélection asiatique

Filed under: Cinéma asiatique, Cinéma japonais, Cinéma sud-coréen, Fantasia 2009 — Marc-André @ 23:44
Fantasia 2009

Fantasia 2009

Après avoir retrouvé un horaire raisonnable, des heures de sommeil plus acceptables (ou du sommeil tout court!), une saine alimentation et la compagnie de mes proches – des éléments négligés, voire royalement délaissés au cours des dernières semaines, dans l’élan ravageur de folie cinéphile auquel nous convie Fantasia – le moment est venu de dresser le bilan de cette treizième édition de l’événement festivalier de l’été, que dis-je, de l’année.

Avec un succès public qui ne se dément pas – plus de 90 000 spectateurs une fois de plus cette année – environ 115 longs métrages, dont de nombreuses pièces de résistance et deux coups d’éclats majeurs : Thirst, de Park Chan-wook, et Inglourious Basterds, de Quentin Tarantino, tout autant sinon davantage de courts métrages, des invités des quatre coins du globe et surtout, des projections où règnent une atmosphère jouissive et une communion indescriptible, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs, et 40% des séances affichant complet, il ne fait aucun doute que l’édition de 2009 est à marquer d’une pierre blanche. Et la cuvée de films, dans tout ça? D’une réjouissante diversité, elle fut à la fois fidèle à la réputation délinquante, audacieuse et tapageuse de Fantasia, tout en explorant discrètement de nouveaux sentiers qui favorisent un renouvellement nécessaire de la programmation.

Explorons tout d’abord l’artère névralgique du festival : la portion en provenance d’Asie occupe toujours une place centrale, tant aux yeux des programmeurs que de la grande majorité du public festivalier. Mais n’écoutez pas ces commentateurs distraits ou myopes qui croient qu’il n’y a que des films japonais ou chinois à Fantasia : avec 55 longs métrages, le contingent asiatique occupe un peu moins de 50% de la programmation, et laisse une place sans cesse grandissante aux productions nord et sud américaines ainsi qu’européennes (que j’aborderai dans un autre billet).

Bien sûr, l’Asie se taille tout de même la part du lion, et plus particulièrement le Japon et la Corée du Sud, deux piliers exemplaires de résistance nationale envers l’impérialisme hollywoodien. Ces deux cinématographies traversent une période intense de productivité et de créativité, dont cette treizième édition a magnifiquement témoigné.

Breathless

Breathless

From Korea With Love

Avec une sélection de quinze longs métrages, le cinéma sud-coréen a démontré des signes évidents de vitalité, tant du côté des productions plus commerciales que des oeuvres indépendantes. Trois films très attendus ont donné le ton : le thriller haletant The Chaser a été à la hauteur de l’excellent bouche à oreille dont il a fait l’objet au cours de la dernière année, tandis que Kim Ki-duk, avec Dream, et Park Chan-wook, avec Thirst, ont tous deux partagé les avis, tout en offrant des films qui confirment leur réputation et leur statut de chef de file. Mais davantage que ces incontournables, certes dignes d’intérêt, c’est du côté des nombreuses découvertes que la sélection sud-coréenne m’a le plus épaté, avec une réjouissante diversité de registres et un très haut niveau de qualité d’ensemble. La comédie a fait flèche de tout bois dans plusieurs films, notamment dans Antique, dont le rythme humoristique effréné a littéralement triomphé auprès des spectateurs. L’humour a pris des formes différentes dans Crush and Blush, un curieux objet cinématographique dont la drôlerie pimentée d’étrangeté et l’absurdité teintée de sensibilité féminine m’ont littéralement conquis. Daytime Drinking, une attachante production à micro budget, m’a également ravi par son souci de réalisme et par la qualité de son écriture. L’aspect viscéral si caractéristique du cinéma sud-coréen a enfin triomphé dans deux premiers films renversants : Rough Cut, une palpitante et virtuose mise en abyme du film d’action et des films de gangsters, et le bouleversant Breathless, l’un des sommets du festival, un drame déchirant où Yang Ik-june impose une force implacable à la réalisation, à la scénarisation et à l’interprétation du rôle titre de cette oeuvre marquante. De fait, parmi les onze films sud-coréens que j’ai pu visionner, seul le soporifique Evil Spirit: VIY, une laborieuse et interminable adaptation de la nouvelle de Gogol, dépareillait une sélection époustouflante à tous les égards.

Fine, Totally Fine

Fine, Totally Fine

Japon, terreau de prédilection

Le Japon n’était pas en reste, avec plus de trente longs métrages au programme, dont une sélection de pinku eiga proposée en collaboration avec la Cinémathèque québécoise. Trois films nippons se sont d’ailleurs faufilés parmi mes cinq préférés du festival, c’est dire à quel point la qualité était au rendez-vous. Vous savez certainement que Love Exposure a constitué l’expérience ultime du festival pour de nombreux cinéphiles, et je me compte parmi les admirateurs inconditionnels de ce monument cinématographique de 237 minutes dont on sort dans un état d’euphorie. Sans l’ombre d’un doute, le sombre et complexe Nightmare Detective 2 s’est avéré moins consensuel. Je fais certainement partie des rares exceptions qui ont adoré cette oeuvre transcendante du grand Shinya Tsukamoto. Elle aura toutefois dérouté la majorité des spectateurs, mais je suis persuadé de la valeur de cette oeuvre qui appelle à de multiples visionnements afin d’en saisir toute la richesse. The Clone Returns Home a pour sa part laissé une véritable émotion fleurir, en plus d’offrir une direction photo, une rigueur plastique et une portée symbolique qu’aucun autre film n’aura su égaler. Cette splendeur contemplative s’inscrit déjà parmi les oeuvres les plus accomplies de l’année.

Devant un tel déluge de films nippons et les inévitables contraintes d’horaire, j’aurai malheureusement manqué Paco and the Magical Book, dont je vous reparlerai, je l’espère, en me rattrapant en DVD au cours des prochains mois. J’aurai toutefois découvert avec délectation Fine, Totally Fine, une irrésistible comédie slacker qui, l’air de rien, se rapproche du cultissime The Taste of Tea, avec son je-ne-sais-quoi d’insaisissable et de réconfortant, tapi sous ses traits humoristiques et bizarroïdes. J’ai aussi eu le grand plaisir de vivre une rencontre du troisième type en visionnant House (prononcez Houuuuuuuuuuse), un trip de champignons hallucinogènes que je serais bien embêté de décrire (je m’y essaierai quand même dans un proche avenir). Cette perle datée de 1977, tendue entre l’expérimentation furieuse et l’exploitation rigolote, est à découvrir absolument.

Autrement, l’increvable et inévitable Takashi Miike a ouvert le festival avec panache grâce à Yatterman, une niaiserie rocambolesque qui s’inscrit parmi les meilleures réussites de sa veine plus commerciale, sans renier sa folie congénitale. Je n’ai pu attraper qu’un seul des nombreux films d’animation japonaise ayant fait partie de la programmation, mais Genius Party Beyond m’a ébloui par ses éclats visuels et par l’avant-gardisme fulgurant de son dessin, malgré un aspect un peu inégal du côté des scénarios de ce film à sketches très relevé. D’autres expériences se sont avérées mitigées : Vampire Girl vs. Frankenstein Girl était certes une séance de minuit jubilatoire, mais il tournait davantage à vide que Tokyo Gore Police, qui a incendié le festival l’an dernier; Instant Swamp n’a pas conquis aussi résolument que le délicieux Adrift in Tokyo, du même Satoshi Miki, en dépit d’excellents moments de comédie et de nombreuses trouvailles loufoques. Dans un registre similaire, mais encore plus échevelé, le déroutant Crime or Punishment?!? gâchait de très intéressantes références kafkaïennes et dostoïevskiennes en s’embourbant dans des élans comiques lourdauds et cabotins. Malgré ces légères déceptions, la cuvée japonaise affichait une admirable diversité et regorgeait de films à voir. Elle s’est avérée, dans l’ensemble et comme toujours, un fait saillant de la programmation, procurant un plaisir qui ne se dément pas.

Ip Man

Ip Man

Hong Kong, Thaïlande et…

L’omniprésence dévorante des délégations de Corée du Sud et du Japon aura mis dans l’ombre la sélection en provenance de Hong Kong, dont on célébrait pourtant le centième anniversaire cinématographique. Deux morceaux de taille ont dominé cette cuvée hongkongaise plutôt décevante : l’incontournable Ip Man, de Wilson Yip, qui renoue brillamment avec les plus belles heures des films d’action hongkongais, et la superproduction The Warlords, qui m’a personnellement laissé plutôt indifférent face à sa grandiloquence appuyée. Les autres films de la sélection étaient essentiellement des films d’arts martiaux, un genre prisé à Fantasia mais qui, pour ma part, m’interpelle moins, surtout lorsque la réalisation est confiée à des tâcherons. Par conséquent, j’ai été personnellement déçu par cette sélection plutôt monolithique et qui aurait gagné à être plus diversifiée, par exemple avec des comédies, des drames ou encore un classique des Shaw Brothers, qui manquaient à l’appel cette année.

Il en va de même pour la Thaïlande, devenu le bastion de l’horreur extrême et du film d’action débridé. Seulement trois productions étaient au menu cette année, dont deux films d’arts martiaux, Fireball et Power Kids, auxquels je n’ai pas pu assister. Souhaitons que les productions thaïlandaises reviennent en force l’an prochain, et que le festival en profite également pour ouvrir ses portes à deux ou trois films en provenance de l’Inde, de la Malaisie ou de l’Indonésie, des cinématographies qui trouveraient certainement leur place au sein du festival.

Malgré ces bémols somme toute mineurs, on peut parler d’une excellente cuvée asiatique totalement dominée par la Corée du Sud et le Japon, et forte de plusieurs oeuvres essentielles. Et ce, sans compter les films qui m’ont échappé…

30 juillet 2009

Fantasia 2009 : le prix Séquences remis à Rough Cut

Filed under: Cinéma sud-coréen, Fantasia 2009 — Marc-André @ 20:18
Rough Cut

Rough Cut

Voilà une nouvelle qui me réjouit au plus haut point. Chaque année, la revue Séquences remet un prix à l’un des films de la programmation de Fantasia. Cette année, l’honneur échoit à l’excellent film sud-coréen Rough Cut.

Cette première oeuvre de Jang Hun, produite et coscénarisée par Kim Ki-duk, a été récompensée « pour son scénario intéressant et bien écrit et pour son mariage parfait entre le film d’auteur et le film d’action », aux dires du jury de Séquences. Je ne peux que souscrire à ce choix, puisqu’il s’agit de l’un de mes films préférés de cette édition.

Rough Cut est une acquisition d’Evokative, qui distribuera le film au cours de la prochaine année. Vivement une distribution en salles et en DVD de ce bijou de méta cinéma de très grande qualité, passionnant, drôle et nourri de réjouissantes références au milieu du septième art (voir mon compte rendu). Je vous en reparle dès que l’on connaîtra les dates de sa sortie au Québec.

28 juillet 2009

Fantasia 2009 : Breathless

Filed under: Cinéma sud-coréen, Drame, Fantasia 2009 — Marc-André @ 08:05
Breathless

Breathless

Retenez ce titre, et souvenez-vous du nom de Yang Ik-june. À partir d’éléments autobiographiques, ce jeune acteur sud-coréen a écrit, produit, réalisé et interprété le difficile rôle principal de Breathless, un mélodrame réaliste indépendant qui m’a laissé la gorge complètement nouée.

D’une grande dureté physique et verbale mais criant d’authenticité, ce film à la fois accablant et d’une profonde humanité narre la rencontre de deux être blessés. Lui, Sang-hoon, interprété de façon magistrale par le réalisateur, est un petit truand dont les gestes et les paroles sont d’une violence intarissable. Il va croiser Yeon-hee, une adolescente d’abord dégoûtée par son attitude repoussante, mais qui se lie tout de même à lui, trouvant un écho dans sa rage. Deux êtres blessés vont alors tenter un rapprochement improbable, malgré les douleurs affligeantes du passé et les tensions d’une vie familiale aux limites du supportable.

Breathless épate à tous les niveaux : qualité d’une mise en scène sobre et âpre, force et vérité du jeu des acteurs, puissance d’évocation de la misère morale et économique et de ses ravages sur les individus. Aucun doute possible : le cinéma sud-coréen traverse une période d’intense renouvellement qui provient surtout des marges du cinéma commercial, et ce film dévastateur en est l’un des exemples les plus frappants et mémorables.

Acquis par Ciné-Asie, le film sera distribué au Québec au cours de la prochaine année.

26 juillet 2009

Fantasia 2009 : Rough Cut

Filed under: Action, Cinéma sud-coréen, Fantasia 2009 — Marc-André @ 16:27
Rough Cut

Rough Cut

Devenue en une dizaine d’années l’une des cinématographies les plus remarquées à l’échelle mondiale, la Corée du Sud démontre des signes de grande vitalité cette année à Fantasia. Certains commentateurs ont pu récemment faire état d’un essoufflement de la vague sud-coréenne à la suite de la réduction des quotas réservés aux productions locales, un système qui avait favorisé le formidable essor de l’industrie du cinéma sud-coréen. Les cinéphiles seront toutefois rassurés de constater qu’un grand nombre de jeunes cinéastes continuent d’émerger et qu’un renouveau est en cours, comme on a pu le constater au festival avec l’excellent thriller The Chaser et la surprenante comédie noire Crush and Blush, deux moments forts de cette édition. La maison de distribution Evokative a, quant à elle, déniché deux savoureuses perles indépendantes : la désopilante comédie réaliste Daytime Drinking (voir mon compte rendu), et maintenant ce remarquable film d’action nourri de références cinéphiles : Rough Cut, aisément l’une des plus jouissives sélections de l’année.

Première réalisation d’un protégé de Kim Ki-duk, présent en tant que producteur et coscénariste, Rough Cut se déguste, au premier degré, comme une excellente combinaison de comédie, de film de bastonnades (une spécialité sud-coréenne notoire) et d’intrigues liées au monde des jo-pok, l’univers très typé des gangsters du pays. Tout cela a déjà été vu mille fois dans nombre de productions sud-coréennes, de Friend à City of Violence, mais Rough Cut se distingue brillamment par l’utilisation de procédés de mise en abyme reliés au principe du film dans le film.

Le scénario propose un passionnant face à face entre un criminel et un acteur. Connu pour ses frasques et son tempérament insupportable, Soo-ta doit trouver un partenaire pour jouer dans un film où il tient la vedette. Mais son étoile médiatique entachée fait en sorte que personne n’est intéressé à lui donner la réplique. Il décide donc d’offrir le rôle à un vrai truand, qui n’entend pas à rire. Ce dernier accepte le rôle, à condition que les combats ne soient pas simulés, mais bien réels. Le (faux) film y gagnera en authenticité, mais surtout, en chaos, car ce choix va évidemment occasionner un tournage rocambolesque, ainsi que nombre d’imprévus bordéliques.

L’exploration de jeux de miroir entre réalité et fiction, milieu criminel et imitation cinématographique avait déjà été effectuée dans le remarquable A Dirty Carnival, présenté à Fantasia en 2007 (compte rendu). Mais Rough Cut exploite ce filon de manière fort différente et très inspirée, avec des résultats fantastiques. Le cinéaste Jang Hun se permet des salves humoristiques cinglantes envers l’industrie cinématographique sud-coréenne : le star system, les managers de vedettes et la folie des fans en prennent pour leur rhume, tout comme les conditions de tournage, évoquées avec un sens impeccable de la comédie ironique, notamment par le biais de l’hilarant personnage du (faux) réalisateur, dénommé Bong – serait-ce une allusion au (vrai) cinéaste de The Host?

Rough Cut se situe résolument sur le terrain du divertissement, mais une utilisation intelligente et bien dosée des effets de mise en abyme ainsi que des personnages bien campés par de très bons (vrais) acteurs lui confèrent un sacré caractère et une originalité qui permettent de le hisser dans une classe à part. Une acquisition de taille pour Evokative, il s’agit d’une oeuvre incontournable pour les amateurs de cinéma sud-coréen. À surveiller de près lors de sa sortie.

25 juillet 2009

Fantasia 2009 : My Dear Enemy

Filed under: Cinéma sud-coréen, Fantasia 2009 — Marc-André @ 16:55
My Dear Enemy

My Dear Enemy

Depuis le début du festival, j’ai choisi de vous parler des oeuvres qui m’ont laissé les meilleures impressions. Mais évidemment, les films ne suscitent pas tous mon adhésion absolue, loin de là, et ce, même si la programmation est d’une solidité et d’une diversité à toute épreuve. En voici un qui, malgré d’évidentes qualités, m’a laissé une impression mi-figue, mi-raisin, mais qui continue de me trotter en tête, ce qui constitue toujours un très bon signe.

My Dear Enemy s’amorce sur un superbe plan-séquence au bout duquel se trouve Hee-su, une femme à la recherche de son ex. Il lui doit de l’argent et elle n’a pas de nouvelles de lui depuis un an. Furieuse, elle le somme de lui remettre le montant sur-le-champ. Mais Byung-woon, un séducteur invétéré, n’a pas les moyens de la rembourser. Ensemble, ils vont parcourir Séoul, alors qu’il cherche à recueillir de l’argent auprès de ses multiples conquêtes féminines, suscitant l’exaspération profonde de la dame, qui accepte pourtant de le suivre dans cette drôle de thérapie post-relationnelle.

Deux tempéraments opposés (lui, verbomoteur et insouciant; elle, taciturne et mystérieuse) forment ainsi une équipée dépareillée, multipliant les rencontres incongrues, le temps d’une journée transformée en errance urbaine où ils vont s’observer et se découvrir sous un nouveau jour.

Unité de temps, multiplicité des lieux, une esthétique travaillée et une maîtrise parfaite du non-dit et de la retenue : manifestement, le cinéaste sud-coréen Lee Yoon-ki possède une sacrée dose de talent, qu’il met à profit avec intelligence en refusant les stéréotypes et les effets attendus dans ce type de comédie romantique, savamment détournée vers une étude de moeurs qui contourne tous les clichés habituels.

De fait, My Dear Enemy mise sur de nombreux atouts : une remarquable direction photo offrant de nombreux plans que l’on regarde avec admiration, une mise en scène raffinée, une approche fine et subtile des relations hommes-femmes et une impeccable direction d’acteurs. Je me surprends pourtant à être resté extérieur et même à avoir éprouvé un certain ennui devant ce film aux contours si lisses qu’on n’y retrouve aucune aspérité. Peut-être est-ce la faute d’un scénario qui, à force de refuser les facilités, se confine à un minimalisme excessif. Dommage aussi que le personnage féminin, incarné par la toujours excellente actrice Jeon Do-yeon, laisse place à peu de développement, contrairement à celui de son pendant masculin, interprété de manière savoureuse par Ha Jeung-woo, qui a droit à un rôle mieux étoffé, plus complexe.

En dépit de ces réserves, je salue le fait qu’un film tel que My Dear Enemy soit présenté à Fantasia, car il offre un excellent contrepoids au déluge sensations fortes que l’on associe au festival. Une projection dans la petite salle lui aurait sans doute mieux convenu. Cet oeuvre trouvera certainement un public, en particulier du côté de celles et de ceux qui apprécient des oeuvres lentes, laconiques et dépouillées à la façon de Lost in Translation. Soulignons d’ailleurs que le film a été acquis pour distribution nord-américaine par Ciné-Asie, une nouvelle compagnie que l’on suivra de très près au cours des prochains mois (voir leur site Web).

En reprise le lundi 27 juillet, à 21 h 30, salle J. A. de Sève (détails).

19 juillet 2009

Fantasia 2009 : Crush and Blush

Filed under: Cinéma sud-coréen, Comédie, Fantasia 2009 — Marc-André @ 13:30
Crush and Blush

Crush and Blush

Les comédies sud-coréennes ne brillent pas toutes par leur subtilité. En voici une tout à fait originale et qui se hisse nettement hors du lot.

La figure centrale de Crush and Blush est une enseignante à la personnalité quelque peu incongrue. Sorte de souffre-douleur marginale et à côté de ses pompes, Me-sook est passée de la risée de son école au rôle peu enviable de professeur la plus méprisée du campus. Vivement émotive – comme en témoigne le rougoiement perpétuel de ses joues – et cultivant une lubie obsessionnelle maladive pour un collègue marié qui ne s’intéresse nullement à elle, Me-sook concocte de vils stratagèmes afin de saccager sa vie personnelle, convaincue qu’il finira par tomber dans ses bras. Pour ce faire, elle ne recule devant rien : elle ment et manipule jusqu’à plus soif afin de réaliser ses sombres desseins, notamment en s’acoquinant avec la fille de sa cible masculine, et développe même une fausse amitié avec une professeure rivale qui, elle, semble plutôt tombée dans l’oeil du monsieur.

On imagine tout le vaudeville superficiel que de telles prémisses pourraient engendrer. Et le grand mérite de Crush and Blush est d’éviter de sombrer dans la surenchère et le pathos, à l’aide d’un humour à la fois cruel, noir, extrêmement fin et bien dosé. Ce n’est pas un hasard si une femme cinéaste est aux commandes de cette comédie diablement étonnante : la perspective féminine éclaire de manière inédite et avec une grande dose d’humanisme le jeu des relations, les aléas du désir, les petites vengeances et les fantasmes débridés qui émergent de situations absolument rocambolesques, où le quiproquos règne en maître, sans jamais basculer dans le cabotinage. Le scénario, cosigné par la cinéaste et par un certain Park Chan-wook (qui ne m’a pourtant pas du tout convaincu de ses talents pour la comédie dans Thirst, dont c’était très certainement l’aspect le plus raté) fait flèche de tout bois, distillant les moments comiques avec flair. La mise en scène fourmille de trouvailles, cultivant une certaine excentricité des situations, mais sans excès. Cet équilibre dans la folie, avec un penchant pour le biscornu bien assumé sans s’y vautrer, donne des résultats charmants et divertissants, mais regorgeant d’intelligence et de petits détails savoureux.

La réussite de cette comédie noire singulière tient enfin sur les épaules de l’actrice Kong Hyo-jin, tout simplement formidable dans le rôle principal. Les risques étaient grands de n’offrir qu’une caricature bizarroïde sur deux pattes avec ce personnage de jeune femme fantasque et hystérique. Elle campe plutôt un être complexe et déchiré, qui nous exaspère tout autant qu’il nous fascine et séduit, avec ses éruptions colériques, ses atermoiements existentiels et la tragique incongruité de ses sentiments amoureux.

Crush and Blush s’impose aisément comme l’une des meilleures comédies sud-coréennes des dernières années. Le fait qu’elle s’éloigne avec panache des pitreries et des facilités habituelles y est tout sauf étranger. En reprise le lundi 20 juillet, à 15 heures, salle J.A. de Sève (détails).

12 juillet 2009

Fantasia 2009 : Daytime Drinking

Filed under: Cinéma sud-coréen, Fantasia 2009 — Marc-André @ 15:59
Daytime Drinking

Daytime Drinking

Ce premier long métrage sud-coréen indépendant du nouveau venu Noh Young-seok constitue la preuve par mille qu’il est possible de réaliser un très bon film en dépit de contraintes financières et techniques.

Conçu avec des bouts de ficelle, Daytime Drinking prend tout son temps pour bien installer une ambiance de gueule de bois et de lendemain de party qui n’en finit plus, telle que vécue par le protagoniste principal, un type malchanceux qui se fait larguer par ses amis alors qu’ils avaient prévu un séjour en campagne. Errant et hésitant, notre pauvre hère croisera une série de personnages pour le moins bizarroïdes, qui lui feront vivre de bien drôles de situations.

Doté d’un sens certain de l’écriture et de la composition filmique, le jeune cinéaste propose un anti road movie où règne un irrésistible humour absurde et décalé. Les situations terriblement cocasses se multiplient et les personnages haut en couleurs se révèlent progressivement, menant le récit vers des détours inattendus et réjouissants. La dimension réaliste confère une grande crédibilité à l’ensemble, tout comme la psychologie des personnages, finement dessinés. Le côté technique n’est pas parfait, en particulier pour ce qui est du son, mais cela n’empêche en rien de savourer cet ovni à micro budget qui fera le plaisir des amateurs de comédies légèrement déjantées. Une très belle trouvaille de la part du distributeur Evokative.

Daytime Drinking sera projeté de nouveau à Fantasia, le 28 juillet, à 15 heures, à la salle J. A. de Sève.

Fantasia 2009 : Thirst

Filed under: Cinéma sud-coréen, Fantasia 2009 — Marc-André @ 14:23
Thirst

Thirst

Auréolé d’un prestigieux Prix du Jury au Festival de Cannes, accueilli par des avis extrêmement partagés, même chez les plus ardents défenseurs de son réalisateur, Thirst, la plus récente offrande de Park Chan-wook, n’aura laissé personne indifférent lors des deux projections présentées à guichets fermés à Fantasia. Avec cette oeuvre pleine d’ambition et d’étonnantes ruptures de ton, le créateur de la formidable trilogie de la vengeance s’essaie à une relecture de la mythologie vampirique doublée d’une soi-disant influence des écrits d’Émile Zola, plus particulièrement de Thérèse Raquin.

Le résultat? Un film déstabilisant à souhait, qui a manifestement plu à une grande partie de la foule, mais qui en a irrité d’autres à plusieurs reprises. Je dois malheureusement me ranger dans cette dernière catégorie, malgré de superbes éclats de mise en scène et une incontestable splendeur visuelle.

Thirst porte indéniablement la marque talentueuse du cinéaste, et la première partie du film est passionnante. L’histoire d’un prêtre devenu vampire, assoiffé de sang et rongé par le désir charnel, débute d’admirable façon, avec ses références religieuses et de superbes compositions formelles. Le récit bascule toutefois assez rapidement dans un drame passionnel chargé d’érotisme, où l’actrice Kim Ok-vin (déjà remarquée dans Dasepo Naughty Girls), campée en tentatrice vengeresse, vole littéralement la vedette à son partenaire Song Kang-ho, qui doit composer avec un rôle moins développé.

Mais c’est surtout le dernier acte, à mon avis sérieusement entaché par une propension au cabotinage humoristique devenue galopante et omniprésente, qui m’a semblé décousu et alambiqué, gâchant ce qui était jusque-là un film de très haute tenue. Je vous conseille toutefois de vous faire votre propre opinion, car d’autres personnes de ma connaissance ne sont pas du tout du même avis et considèrent même que Thirst est à ranger parmi les meilleurs films de Park Chan-wook. Il s’agit très certainement d’un film à voir, malgré, voire même en raison de cette divergence d’opinion très marquée devant un film qui suscitera de nombreuses discussions. À surveiller, donc, lors de sa sortie en Amérique du Nord, prévue dans quelques semaines.

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