Halloween 2
Non content d’avoir outrageusement profané l’oeuvre originale de John Carpenter, voilà que Rob Zombie récidive avec Halloween 2, en salle ce vendredi. À moins que vous ne soyez masochiste ou fasciné par la médiocrité, fuyez cette triple daube prétentieuse en puissance.
Comme de nombreux autres inconditionnels du Halloween de 1978 – un film découvert encore tout jeune et qui a marqué en profondeur mon parcours de cinéphile – j’ai passé outre mes réticences face à ce réalisateur et accordé une chance au remake initial de Zombie. Bien mal m’en prit. Je ne me suis pas encore remis d’avoir assisté à une telle infâmie.
Puisque je m’apprête à intégrer à ce blogue une série de billets composés pour le site dont il est le rejeton – www.travellingavant.net, qui sera bientôt relégué aux oubliettes du cyberespace – je me permets de republier le texte rédigé lors de la sortie de Halloween, à l’automne 2007. Qu’il serve de mise en garde devant une entreprise que je qualifierais de nauséabonde.
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Halloween (2007)
Quel épouvantable gâchis. On avait de bien légitimes raisons de nourrir de fortes appréhensions à l’idée d’un remake de l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma d’horreur, modèle absolu du slasher, entre les mains du très subtil Rob Zombie. La médiocrité consternante du résultat dépasse tout entendement. Avec l’acharnement d’un bûcheron décérébré, le bien nommé Zombie a massacré le film emblématique de toute une génération de cinéphiles férus d’épouvante. Son Halloween fait insulte au film original de John Carpenter, tant il carbure à la grossièreté systématique et à la plus profonde bêtise. Pire qu’un ratage intégral, ce film est une honte abyssale.
Divisée de manière ridicule en trois parties qui sont en totale contradiction les unes avec les autres, la nouvelle mouture de Halloween a tôt fait de jeter aux oubliettes l’ensemble des éléments qui assuraient la réussite de l’oeuvre originale, à savoir : un scénario simple et efficace, un sens de l’atmosphère et du mystère, un montage serré et une économie de moyens et d’effets. N’ayant manifestement rien compris au film original, Rob Zombie fonce plutôt tête baissée dans la direction opposée, et propose au spectateur un véritable bulldozer hillbilly hystérique, sorte de continuation remâchée et caricaturale des pires moments de The Devil’s Rejects. Ainsi, les trente premières minutes constituent une tentative dérisoire de déplacer le mythe de Michael Myers dans l’univers simpliste et sordide du réalisateur, peuplé de white trash, de psychologie à cinq sous, de violence primaire et de vulgarité incessante. Faux prequel inséré avec une maladresse inouïe à même la matière du scénario original, cette première partie aura tôt fait d’offenser et de scandaliser les irréductibles fans de la version de 1978. En cherchant à expliquer lourdement les origines du mal destructeur de Michael Myers, Zombie livre en ouverture un segment pitoyable, parsemé de fautes de goût évidentes et d’une approche sociologique digne du niveau intellectuel d’un match de lutte. Si bien qu’après 30 minutes d’un insupportable carnage redondant et dénué de toute pertinence, on a déjà envie de quitter la salle. On n’est pourtant pas au bout de notre peine.
Ayant passé le premier tiers de son film à digresser de manière lourde et interminable autour de ses sempiternelles thématiques bourrées de clichés et avoir enchaîné avec une deuxième partie, brève mais elle aussi totalement ratée, portant sur l’internement de Michael Myers, Zombie semble tout à coup décider de véritablement s’atteler à son idée de remake. Il était temps – mais en fait, il est déjà trop tard. Le troisième acte deviendra ainsi soudainement beaucoup plus fidèle au scénario original de Carpenter et de Debra Hill – du moins, à une version racoleuse et passée au mélangeur, à haute vitesse puisqu’il reste peu de temps au compteur. Après avoir fait des pieds et des mains pour déporter Halloween dans son univers à lui, Zombie se contente tout à coup de recréer les scènes, sans vision d’ensemble et avec un manque de cohésion digne d’un débutant. À partir de là, le film se transforme en un patchwork accéléré et aléatoire qui reprend tous les éléments de l’original et les transforme en une pâte indigeste. Certaines scènes sont identiques, d’autres ajoutées ou transformées, mais elles sont toutes dénuées de la moindre qualité cinématographique et du plus essentiel sens du suspense et de la terreur. Au lieu de cela, Zombie nous offre un carnage sans âme, asséné par un colosse muet primitif et ridicule qui est totalement en contradiction avec la vaine tentative d’humanisation de son personnage effectuée en première partie. Un tel manque de cohérence laisse pantois.
Hésitant entre le rire (plusieurs scènes sont ratées au point où elles suscitent une drôlerie involontaire) et la consternation la plus totale, le spectateur devra ensuite subir une succession assommante de scènes brutales et grandguignolesques, enchaînées nonchalamment et avec une vitesse effarante, comme si Zombie lui-même avait hâte d’en finir avec ce gâchis généralisé. Les amateurs de barbarie sanguinolente seront servis avec la multiplication de scènes violentes qui ont pour seul but de nous faire oublier la médiocrité systématique du jeu des acteurs (même Malcolm McDowell, qui doit se mordre les doigts d’avoir participé à un tel navet, semble se demander ce qu’il fout là) et les ratés d’une réalisation approximative qui expose crûment le manque de talent et de vision de Zombie en tant que cinéaste.
On a souvent souligné à quel point Rob Zombie est un fervent admirateur et un continuateur d’un certain cinéma sauvage et viscéral propre aux années soixante-dix. Si cela est vrai, il est d’autant plus difficile de comprendre pourquoi il a souhaité s’aventurer sur un terrain aussi iconique et périlleux, qui n’a rien à voir avec son univers de tarés insignifiants. Très loin de l’hommage et de l’amour du genre dont témoigne un Tarantino, son Halloween ressemble davantage à une réappropriation poseuse, bancale et maladroite. Bien des fans ne le lui pardonneront pas. Il est aussi l’exemple par excellence qui démontre que la vogue actuelle des remakes est une impasse mercantile et un fléau culturel. Combien d’autres classiques sont en voie d’être charcutés et trahis de la sorte?