Travelling Avant

21 juillet 2008

Fantasia 2008 : Ex Drummer

Filed under: Cinéma belge, Fantasia 2008 — Marc-André @ 17:39
Ex Drummer (Koen Mortier, Belgique, 2007)

Ex Drummer (Koen Mortier, Belgique, 2007)

Vous pensiez avoir tout vu en matière de cinéma extrême, décapant et corrosif? Détrompez-vous. Rien ne pourra vous préparer pour faire face à l’assaut furibond et jubilatoire d’Ex Drummer. Le premier long métrage de Koen Mortier est un formidable crachat au visage du bon goût et de la décence. Adaptation de la prose controversée d’Herman Brusselmans, cette oeuvre choc est l’équivalent d’un marteau piqueur défonçant la morale et les tabous à coups répétés, hurlant sa haine d’un monde abject en état de décomposition.

Extrêmement libre dans son déploiement éclaté et vertigineux, le récit narre la descente dans les bas-fonds de l’humanité d’un romancier qui accepte de joindre les rangs d’un groupe de punks dégénérés qui lui proposent de devenir leur batteur. À la recherche d’inspiration dans le déséquilibre, à la fois fasciné et dégoûté par cet univers grouillant dans le sordide et la déjection, il accepte de s’unir à ces paumés qui revendiquent leurs tares physiques et psychologiques avec fierté. Alors que l’équipée grotesque se prépare pour un concours rock, il bascule lui-même dans la déchéance en compagnie de ses nouvelles et fort peu fréquentables connaissances.

Soyons clairs : les âmes sensibles feraient mieux de passer outre cette pépite sale, tordue et impénitente, d’une noirceur hystérique absolue, sinon elles en seront quittes pour être sérieusement choquées, voire offensées par le déferlement ininterrompu de monstruosités sans nom qui ponctuent cette virée anarchiste en territoire déliquescent. Tout y est : sexualité explicite, violence incessante, saillies gore, sévices de toutes sortes, agressivité verbale et des charges d’une sauvagerie absolue, réchappées par un humour dévastateur. Le film est déchaîné et se dirige dans tous les sens, mais ça fonctionne à la puissance dix, comme une sorte de miracle malsain qui agit à la manière d’une révélation. Il faut dire que Mortier a du style à revendre et qu’il filme avec une intelligence et un sens cinématographique inouïs. Des effets ingénieux contribuent merveilleusement à instaurer un effet cathartique et un sens d’étrangeté déstabilisante : des scènes filmées à l’envers, un personnage marchant sur le plafond de sa chambre, des juxtapositions d’images et des échanges verbaux d’une méchanceté défiant l’entendement, dans une sorte d’esbroufe qui multiplie les excès, avec une étonnante cohérence entre la forme – qui oscille entre l’innovation et l’inconvenance de manière presque expérimentale – et le fond, sans foi ni loi, irrévérencieux, impertinent jusqu’à l’insulte.

Brutal et obscène dans son illustration d’une violence et d’une sexualité totalement dépravées, ce cocktail molotov est une décharge nihiliste qui parviendra à offenser (ou à faire exulter) les plus endurcis des cinéphiles. Ex Drummer baigne dans un esprit iconoclaste excessif permanent, marié de manière virtuose à un intellectualisme déviant, barbare et misanthrope, tout en distillant une poésie décadente, d’une férocité absolue, en directe filiation avec C’est arrivé près de chez vous, dont il est un digne héritier. Il fonctionne également au premier degré, assumant ses velléités trash, fonctionnant comme une agression filmique primale, et carburant à même un humour ravageur.

Filmée avec une grande audace formelle, portée par des dialogues époustouflants et par une trame sonore rock’n’roll à tout casser, qui va de Mogwai à Lightning Bolt en passant par Millionnaire, voilà une sérieuse découverte pour les cinéphiles amateurs de sensations fortes et d’expériences extrêmes, à faire passer Trainspotting pour de la purée pour bébés. C’est dégoûtant, insultant, radical, hilarant, irrécupérable et punk jusqu’à la moelle, mais diable, nous vous défions de trouver un objet plus original. Êtes-vous prêts pour une brique assénée en pleine figure? Voilà un vrai de vrai film culte en devenir. Vous aurez été avertis.

20 juillet 2008

Fantasia 2008 : Voice of a Murderer

Filed under: Cinéma sud-coréen, Fantasia 2008 — Marc-André @ 17:45
Voice of a Murderer (Park Jin-Pyo, Corée du Sud, 2007)

Voice of a Murderer (Park Jin-Pyo, Corée du Sud, 2007)

Un fait divers tragique ayant défrayé les manchettes en Corée du Sud en 1991 sert de base narrative à Voice of a Murderer, troisième long métrage de Park Jin-Pyo, dans lequel un couple doit composer avec l’enlèvement de leur fils par un inconnu qui les tient en haleine au bout du fil, en réclamant une rançon de 100 000 $. Le kidnappeur maintiendra les parents dans un climat de tension et de terreur permanent pendant plusieurs semaines, tandis que le père, célèbre animateur de téléjournal, tente désespérément de répondre aux demandes du mystérieux ravisseur, pendant que la police cherche vainement à le retracer. Devenu l’un des plus célèbres cas criminels non résolus du pays, le film a trouvé la faveur du public et attiré les spectateurs sud-coréens en grand nombre, permettant au film de se hisser au troisième rang des productions sud-coréennes de l’année 2007, et au septième rang des films les plus populaires aux guichets. Une belle réussite pour un drame populaire de solide tenue, mais qui se développe de manière conventionnelle et linéaire.

On reconnaîtra à Voice of a Murderer plusieurs qualités : une mise en scène soignée, une attention minutieuse aux détails de l’histoire et une performance remarquable de Seol Kyung-Gu (Oasis, Public Enemy, Silmido, Peppermint Candy), un acteur formidable qui offre l’une des meilleures performances de sa carrière dans le rôle du père. Fort de tels atouts, le film échoue malheureusement à se hisser au-dessus de la simple reconstitution d’un cas vécu.

En choisissant de suivre à la lettre le dénouement des événements tout en épousant en grande partie le point de vue des parents, le cinéaste a opté pour une approche à mi-chemin entre le thriller policier et le mélodrame familial. Ce faisant, il privilégie les effets de suspense et l’aspect poignant de l’épreuve subie par les parents, en répondant ainsi aux attentes du grand public. La matière narrative joue toutefois contre lui, car l’agresseur, dissimulé sous une casquette, est réduit à une caricature dénuée d’identité. Il en va de même pour l’intrigue, dont on connaît le dénouement à l’avance, et qui ne parvient pas à créer une véritable angoisse.

Il restait donc à exploiter les affres psychologiques dont le couple est victime et la portée sociale du sujet. Si le réalisateur parvient à rendre palpable l’état de désespoir et de panique insondable des parents, en revanche il esquisse à peine la question des médias et de l’intervention policière, réduites à une part congrue du récit. C’est là que Voice of a Murderer perd de sa résonance, face à des films comme Memories of Murder ou, plus récemment, Secret Sunshine et Zodiac, qui utilisent le ressort criminel comme moteur de questionnement social. Le film de Park Jin-Pyo n’a pas le souffle de ces oeuvres phares, mais il a le mérite d’aborder un incident authentique avec justesse et dignité. Le public sud-coréen, lui, s’y est certainement retrouvé.

17 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 15 : I Think We’re Alone Now, Handle Me With Care

Filed under: Cinéma américain, Cinéma thaïlandais, Documentaire, Fantasia 2008 — Marc-André @ 16:39

Carnets Fantasia 2008 : jeudi 17 juillet

Fantasia compte plusieurs films-événements à même sa riche programmation – y compris deux premières mondiales très attendues cette fin de semaine – et on ne veut évidemment pas manquer ces pièces de résistance. Mais il ne faut pas non plus négliger les œuvres plus modestes ou obscures. On y fait souvent des découvertes qui enrichissent grandement une expérience festivalière. Le menu de ce jeudi est justement composé de deux curiosités qui se révèlent être de véritables trésors d’humanisme, en plus de proposer un regard cinématographique singulier et complémentaire.

I Think We’re Alone Now (Sean Donnelly, États-Unis, 2008)

I Think We’re Alone Now (Sean Donnelly, États-Unis, 2008)

Débutons avec un documentaire extrêmement touchant sur deux individus qui éprouvent une admiration sans borne, pour ne pas dire maladive, envers Tiffany, une chanteuse pop des années 80. I Think We’re Alone Now nous présente Jeff, un quinquagénaire qui est atteint du syndrome d’Asperger, et Kelly, un (ou une) hermaphrodite. Ces deux individus ont en commun leur obsession extrême pour une figure dérisoire et rapidement oubliée de la scène pop des années 80 : la chanteuse Tiffany. Jeff et Kelly ont érigé Tiffany au rang de déesse, et même d’amour de leur vie. Leur « relation » avec elle dure depuis près de vingt ans. Ils sont bien plus que des fans : chacun à leur manière, ils se sont construit un univers délirant où ils croient entretenir un lien d’attachement particulier avec cette figure de fantasme qui alimente leur vie intérieure.

Excentrique, leur lubie? Bizarre? Un peu (beaucoup) à côté de la plaque? Toutes ces réponses, mais bien plus que cela. Car si ce documentaire empathique et fascinant de Sean Donnelly s’ouvre sur une incursion passionnante et parfois loufoque au cœur du phénomène des groupies excessifs et des stalkers de personnalités médiatiques, il devient vite évident que ce qui intéresse véritablement le cinéaste, ce sont ces deux personnes, leur vie, leurs désirs, leur monde singulier et plus encore, leur terrible solitude, qu’il nous partage avec une émouvante sincérité. On découvre des êtres marginalisés par leur différence et dont l’imaginaire fantasque dissimule un énorme mal de vivre et des besoins affectifs qui se heurtent aux obstacles créés par leur difficulté à être acceptés par la société.

En refusant de les traiter comme des phénomènes de foire, le cinéaste leur laisse la parole, à eux et à leur entourage, et nous convie à découvrir leur intimité, parfois troublante, toujours bouleversante. On rit souvent en écoutant I Think We’re Alone Now, un portrait authentique, sincère et immensément juste, mais surtout, on est remués en profondeur. Un documentaire essentiel, sensible, brut et en parfaite symbiose avec ses sujets, jusque dans sa forme. En prime, on aura eu droit à des commentaires très intéressants du cinéaste, venu présenter son film. Très certainement l’un des meilleurs films de la sélection des « Documentaries From the Edge » de cette année.

Handle Me With Care (Kongdej Jaturanrasamee, Thaïlande, 2007)

Handle Me With Care (Kongdej Jaturanrasamee, Thaïlande, 2007)

Le film suivant ne saurait être mieux choisi. Handle Me With Care aborde lui aussi la thématique de la marginalité, de manière totalement différente mais avec un sens similaire de l’empathie. Comme toujours, les thaïlandais ne font rien comme les autres et redéfinissent l’expression « sur l’acide » avec cette histoire abracadabrante d’un jeune homme qui possède trois bras. Sa difformité est bien sûr l’objet d’incompréhension et de rejet de la part de son entourage, une situation qu’il vit assez difficilement en dépit du fait qu’elle peut également lui procurer des avantages, révélés avec un sens aiguisé du cocasse et de l’absurde.

Le cinéaste exploite cette idée originale en multipliant les scènes riches en situations surréalistes, à l’humour savoureux. Mais lorsque notre pauvre homme à trois bras décidera de prendre la route vers la grande ville afin de procéder à une opération qui lui permettra de ne plus être considéré comme un monstre et de vivre une vie plus normale, il fera la connaissance d’une jeune femme abandonnée par son mari. Cette rencontre de deux être esseulés fera progressivement basculer le récit, amorcé sous un angle comique réjouissant et astucieux, vers une romance mélodramatique qui évite – oh miracle! – les excès de sentimentalisme auxquels on pouvait s’attendre avec un sujet aussi propice à la guimauve et au cabotinage. Ces deux écueils sont évités brillamment par le cinéaste thai Kongdej Jaturanrasamee, qui témoigne d’un sens de la mise en scène épatant. La direction photo est somptueuse, les situations très imaginatives ne manquent pas, et les trucages avec le troisième bras sont extrêmement bien faits et efficaces – et ce, sans aucun effet numérique, ce qui est un véritable petit exploit de travail artisanal soigné. Les acteurs offrent d’excellentes performances, sans sombrer dans un jeu affecté qui plombe parfois ce type de cinéma thaïlandais, et le film utilise à merveille des intertitres sur fond noir afin de révéler les sentiments et les réflexions du personnage principal. Tant sur le plan de la comédie que sur celui du mélodrame, Handle Me With Care constitue une très agréable réussite qui en fait un Citizen Dog en mode mineur. Une surprise de taille qui confirme que le cinéma thaïlandais a beaucoup à offrir lorsqu’il sait bien doser sa folie épatante et lorsqu’il est porté par un cinéaste aussi talentueux. En voilà un à suivre de près.

16 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 14 : May 18, The Rebel, From Within

Filed under: Cinéma américain, Cinéma sud-coréen, Fantasia 2008, Horreur — Marc-André @ 16:25

Carnets Fantasia 2008 : mercredi 16 juillet

May 18 (Kim Ji-hun, Corée du Sud, 2007)

May 18 (Kim Ji-hun, Corée du Sud, 2007)

Les projections de films sud-coréens se suivent et ne se ressemblent pas. Après avoir fait une belle découverte lundi soir avec l’excellent No Mercy for the Rude, voilà qu’on sombre dans les bas-fonds du plus mauvais sirop mélodramatique qui soit avec May 18. Quel ratage épouvantable que ce film larmoyant et bâclé qui cherche à commémorer les événements tragiques qui sont survenus dans la région de Gwangju en 1980. L’armée sud-coréenne avait alors ouvert le feu sur des étudiants manifestant pour la démocratie, puis sur des innocents qui avaient ensuite décidé spontanément de se prendre les armes et de se défendre, avec des résultats catastrophiques.

On a toujours admiré le courage des cinéastes sud-coréens, qui n’hésitent pas à mettre en images plusieurs événements controversés et hautement politiques de leur histoire, même récente. Cette détermination à affronter les démons du passé nous a donné plusieurs excellents films – pensons notamment à Peppermint Candy, The President’s Last Bang et Silmido, devant lesquels cette reconstitution poussive et pimentée d’inexcusables fautes de goût fait bien piètre figure. Comment expliquer la présence de nombreuses séquences d’un humour gras et carrément insupportable qui entrecoupent d’horribles scènes de massacre? Ce cabotinage éhonté n’a tout simplement pas sa place dans un tel contexte. Pourquoi insister sur une romance inconsistante et mal développée entre deux assiégés, au lieu de s’interroger sur les événements qui sont dépeints? Il est clair que le cinéaste a choisi la voie de la facilité et du sensationnalisme grossier avec ce divertissement populaire de pacotille qui cherche maladroitement à émouvoir son public à tout prix. On se demande bien ce que Ahn Sung-kee, acteur emblématique du cinéma sud-coréen, est allé faire dans cette galère d’une mièvrerie consternante. Sujet en or et complètement gâché.

The Rebel (Truc 'Charlie' Nguyen, Vietnam, 2006)

The Rebel (Truc 'Charlie' Nguyen, Vietnam, 2006)

Passons avec soulagement de la Corée du Sud au Vietnam avec The Rebel, une production ambitieuse située dans les années vingt, en pleine occupation française. De mémoire, je crois qu’il s’agit du deuxième film vietnamien à être projeté à Fantasia, et d’évidence, ses artisans cherchent à frapper un grand coup avec ce film d’arts martiaux bourré de scènes d’action trépidantes qui tentent de rivaliser avec les productions similaires en provenance de Hong Kong et de Thaïlande. Et on peut dire qu’ils y sont parvenus en grande partie avec la production la plus coûteuse de l’histoire de son pays.

Ce premier film de Charlie Nguyen possède plusieurs qualités : une impressionnante reconstitution historique, une belle direction photo, beaucoup de style et des combats nombreux et spectaculaires qui plairont assurément aux amateurs de films d’action asiatiques. Aussi, on pardonnera les quelques invraisemblances qui ponctuent l’expérience, comme certaines situations un peu tirées par les cheveux ou encore le curieux accent de certains colons français, peu crédible. Ce sont des défauts mineurs, car l’ensemble se distingue par son énergie et par son sens du rythme. La mise en scène est soignée, et manifestement, beaucoup d’efforts ont été déployés afin de donner du panache à cette histoire qui trouve ses fondements dans les efforts d’émancipation de la population vietnamienne afin de se libérer du joug français. Cette dimension permet à The Rebel de se hisser au-dessus des films d’arts martiaux habituels, et son cadre exotique lui sied à merveille. On ne peut que saluer ce premier effort impressionnant, et souhaiter qu’il pave la voie à d’autres films en provenance du Vietnam.

From Within (Phedon Papamichael, États-Unis, 2008)

From Within (Phedon Papamichael, États-Unis, 2008)

La soirée se conclut avec un thriller surnaturel qui cherche à sortir des sentiers battus par les films d’horreur américains pour adolescents. From Within (à ne pas confondre avec From Inside, magnifique film d’animation poétique, également présenté cette année) est réalisé par Phedon Papamichael, un directeur photo réputé qui effectue un bon travail d’artisan, sans plus, avec ce récit d’épouvante qui s’amorce avec une série de suicides inexplicables qui terrorisent la population d’une petite ville du sud des États-Unis. Mais s’agit-il vraiment de suicides? Une étudiante tente de percer le mystère, tandis qu’une partie de la population sombre dans une paranoïa alimentée par un jeune fanatique religieux.

Sans être bien original, et encore moins effrayant, ce récit mise tout de même sur une réalisation sobre et appliquée qui ménage bien ses effets. Le cinéaste en profite également pour égratigner l’obscurantisme religieux de nos voisins du sud au passage, sans trop en rajouter. L’interprétation des jeunes acteurs est un peu mieux que la moyenne des films pour ados, et les personnages sont suffisamment crédibles pour nous intéresser. Enfin, la dernière partie réserve son lot de surprises, ce qui permet d’achever le visionnement sur une bonne note. Ce n’est pas mémorable, et on est loin d’un vrai renouvellement, mais c’est quand même pas mal, et c’est beaucoup moins prétentieux que la série des Final Destination.

15 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 13 : Stuck, Red

Filed under: Cinéma américain, Cinéma canadien, Fantasia 2008 — Marc-André @ 16:18

Carnets Fantasia 2008 : mardi 15 juillet

Stuck (Stuart Gordon, Canada/États-Unis, 2007)

Stuck (Stuart Gordon, Canada/États-Unis, 2007)

Seulement deux films au menu aujourd’hui, mais un plat de résistance colossal nous attend d’entrée de jeu. Quel bonheur de retrouver un Stuart Gordon en grande forme afin de faire suite à Edmond, son film précédent, qui l’avait vu emprunter de nouvelles voies extrêmement intéressantes. Stuck poursuit dans cette même veine qui s’éloigne quelque peu du film de genre, pour nous offrir un autre grand moment de cinéma en forme d’attaque irrévérencieuse envers la rectitude politique, qui plus est avec un auditoire fantasien taillé sur mesure et réagissant au quart de tour devant cette fable sociale hautement corrosive et totalement réussie.

L’idée de départ, inspirée d’un fait divers sordide, promettait déjà grandement : une jeune femme heurte accidentellement un pauvre type qui se retrouve coincé dans le pare-brise de sa voiture. Totalement dépassée par les événements, celle-ci refuse de faire face au drame et laisse la victime agoniser dans son garage, sans le secourir. Ça, ce n’est que le début. Ce qui va suivre prendra la forme d’une comédie d’une noirceur implacable, avec quelques incursions jubilatoires dans le grotesque, avant de culminer dans un débordement grandguignolesque jouissif et bien dosé, en parfaite continuité avec l’univers horrifique du cinéaste.

Ponctué de nombreux revirements de situation absurdes et de dialogues dévastateurs, Stuck brille de tous ses feux grâce à une mise en scène âpre et implacable et des performances éclatantes de ses interprètes principaux. Stephen Rea est parfait dans le rôle d’un misérable bougre sur qui le sort s’acharne avec véhémence, tandis que Mena Suvari campe à merveille toutes les contradictions d’un personnage pris au piège de son incompréhensible déni d’une situation improbable qui dégénère. Réflexion amusée et impertinente sur les tares qui ravagent notre société – irresponsabilité morale, égoïsme, chacun pour soi et misanthropie – Stuck nous balance le miroir hideux de notre inconscience sociale avec une délicieuse intelligence et une redoutable méchanceté. Voilà l’une des oeuvres les plus originales et achevées d’un cinéaste qui n’a pas fini de nous étonner.

Red (Lucky McKee et Trygve Allister Diesen, États-Unis, 2008)

Red (Lucky McKee et Trygve Allister Diesen, États-Unis, 2008)

Admirons la cohérence des choix d’une programmation bien pensée qui fait en sorte que l’on enchaîne avec un autre film à portée sociale, où un individu est également aux prises avec une situation qui le rend isolé et impuissant, mais qui sera explorée de manière résolument différente. Si Stuart Gordon profite de ce point de départ pour effectuer une satire décapante des errements moraux contemporains, les cinéastes Lucky McKee (May et The Woods) et Trygve Allister Diesen, qui se partagent la paternité de Red, optent pour un registre aux antipodes, avec un drame fait d’accablement et d’émotion. Il faut dire que la matière narrative de ce long métrage modeste provient d’un maître du glauque : Jack Ketchum. C’est la troisième transposition sur écran de l’œuvre de Ketchum en trois ans qui se retrouve dans la sélection de Fantasia, lieu d’accueil idéal pour les versions filmiques de l’univers d’un romancier controversé dont l’œuvre aborde crûment les versants sombres de l’Amérique. Les deux premières adaptations nous avaient d’ailleurs donné une solide claque en plein visage : The Lost et The Girl Next Door, deux films bouleversants et impossibles à oublier.

Qu’en est-il de Red, qui raconte la tragique quête de justice d’un vieil homme sans histoire qui voit sa vie basculer lorsque son fidèle compagnon canin est abattu brutalement par une bande de jeunes garçons sadiques? Ce drame psychologique tendu est ce que les anglo-saxons appellent un « slow burner », plus soucieux de réalisme que d’effets chocs. L’évolution de l’histoire et le comportement du personnage principal ont le mérite de ne pas choisir la voie de la facilité, mais le résultat nous laisse sur un sentiment mitigé. N’ayant pas lu l’œuvre originale de Ketchum, je ne peux pas porter de jugement sur la fidélité et sur la justesse de cette adaptation, mais une facture télévisuelle extrêmement terne, des interprétations inégales et une musique lourdement formatée desservent grandement le film, tout entier construit autour de la performance de Brian Cox dans le rôle principal. Celui-ci confère une grande humanité à son personnage. Souvent maladroit, plutôt impersonnel, le film intéressera surtout les inconditionnels de l’auteur, bien que le résultat soit pâle en regard des deux adaptations précédentes, nettement plus fortes et significatives du point de vue cinématographique.

14 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 12 : Spine Tingler, No Mercy for the Rude, Flick

Carnets Fantasia 2008 : lundi 14 juillet

Spine Tingler! The William Castle Story (Jeffrey Schwarz, États-Unis, 2007)

Spine Tingler! The William Castle Story (Jeffrey Schwarz, États-Unis, 2007)

Le festival se poursuit en ce lundi plutôt tranquille après les sensations fortes de la fin de semaine. Les bons morceaux à se mettre sous la dent ne manquent pas pour autant. Un passionnant et loufoque chapitre de l’histoire du cinéma nous attend avec Spine Tingler! The William Castle Story. Cet excellent documentaire sur la carrière rocambolesque du réalisateur et producteur William Castle, spécialiste de la série B horrifique des années cinquante et soixante et maître absolu de la gammick, semble taillé sur mesure pour Fantasia. Y a-t-il un meilleur endroit au monde pour visionner la biographie de cet hurluberlu qui était convaincu que le spectacle devait avoir lieu autant sinon davantage dans la salle que sur l’écran? Nul doute que le créateur de House on Haunted Hill, Mr. Sardonicus et d’une foule d’autres films d’épouvante douteux, voire ringards, se serait immédiatement senti chez lui à Fantasia, qui l’accueille comme on reçoit un père spirituel.

Pour les festivaliers, c’est du pur bonbon que ce documentaire qui relate son parcours atypique et ses coups d’éclat publicitaire légendaires, conçus afin d’attirer les foules. Un squelette en caoutchouc qui est propulsé vers les spectateurs? Un dispositif électrique dissimulé sous les banquettes afin de surprendre son audience? Une assurance dans le cas où un spectateur mourrait foudroyé d’effroi lors d’une projection? Ce fin renard y avait pensé, et il aura marqué durablement l’imaginaire d’une foule d’enfants.

On peut dire que cet homme d’affaires passionné et dévoué envers le public populaire n’a pas manqué d’imagination afin de vendre ses productions d’épouvante à cinq sous. On se régale du début à la fin de ce film qui fourmille d’anecdotes savoureuses et richement documentées – on retiendra en particulier sa rivalité avec Alfred Hitchcock et la conception de Rosemary’s Baby, dont il fut le producteur – et on se régale des entrevues effectuées avec John Waters, Joe Dante, John Landis et on en passe. Un must pour les amateurs de cinéma d’horreur et un visionnement fortement recommandé pour tous les cinémaniaques, qui en sortiront enchantés.

No Mercy for the Rude (Park Choel-hie, Corée du Sud, 2006)

No Mercy for the Rude (Park Choel-hie, Corée du Sud, 2006)

On entend souvent des cinéphiles déplorer le fait que la production récente en provenance de Corée du Sud serait décevante en regard des années antérieures. Il est vrai que l’engouement suscité par la découverte de cette cinématographie unique en son genre a pris des proportions démesurées. Forcément, les films de talentueux cinéastes comme Park Chan-wook, Kim Ki-duk, Bong Joon-ho et Kim Ji-woon ont mis la barre très haute. Trop haute, sans doute, parce que la majorité des films de cette cinématographie sont formatés pour le grand public afin de se hisser au sommet du box office local. Il ne faut donc pas s’attendre à tomber sur un Oldboy ou sur un A Tale of Two Sisters à chaque fois, sinon on en sera quittes pour de nombreuses déceptions. Mais il ne faut pas non plus jeter la serviette.

Preuve nous est donnée avec No Mercy for the Rude, premier long métrage de Park Choel-hie, de loin le plus original et le meilleur film sud-coréen que l’on a pu voir à Fantasia jusqu’à maintenant cette année. Cet habile mélange de comédie cinglante, de film noir stylisé et de drame débouchant sur des accès de violence possède plusieurs atouts de choix, à commencer par un humour noir dévastateur, qui fait mouche à maintes reprises. Amorcé sur un mode parodique glissant lentement vers le tragique, ce récit rythmé et divertissant mise sur une performance remarquable de l’excellent acteur Shin Ha-kyun, révélé par Sympathy for Mr. Vengeance et Save the Green Planet. Comme dans le premier film de la trilogie de la vengeance de Park Chan-wook, il campe un personnage atteint de surdité, auquel il donne de la prestance, du style et une belle profondeur, en plus d’effectuer une narration qui apporte beaucoup de richesse au film. Ponctué de nombreuses scènes d’action, d’un érotisme audacieux et de surprenantes et très bienvenues touches poétiques, No Mercy for the Rude est sans contredit une belle découverte. Voilà enfin du cinéma sud-coréen comme on l’aime.

Flick (David Howard, Angleterre, 2007)

Flick (David Howard, Angleterre, 2007)

La soirée se termine avec Flick, un film britannique branché qui met le paquet sur le plan visuel en tentant une relecture inusitée du sous-genre du film de morts-vivants. Le concept est brillant : une esthétique faite de couleurs saturées, d’effets de filtres et de textures imitant la bande dessinée; une atmosphère et une direction artistique rétro, appuyée par une trame musicale baignée dans le rockabilly; et Faye Dunaway dans le rôle d’une détective à un seul bras et affublée d’une prothèse, lancée à la poursuite d’un zombi qui cherche à retrouver la femme qu’il aime et à se venger d’une bande de jeunes qui l’ont tyrannisé. Beaucoup d’éléments inventifs pour un long métrage assez original, très accompli au niveau de la réalisation et de la direction artistique, mais qui repose malheureusement sur un scénario ennuyeux et inintéressant. Dommage, parce que le film de David Howard fait des merveilles avec son travail sur les couleurs, les cadrages et les textures cinématographiques. Il manquait un récit à la hauteur des ambitions artistiques indéniables de cet objet de curiosité inclassable.

13 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 11 : Always – Sunset on Third Street 2, A Colt is My Passport, Be A Man! Samurai School, From Inside

Filed under: Animation, Cinéma américain, Cinéma japonais, Fantasia 2008 — Marc-André @ 15:59

Carnets Fantasia 2008 : dimanche 13 juillet

À peine remis du paroxysme cataclysmique de la projection de Tokyo Gore Police la veille, après un semblant de nuit de sommeil et un repas approximatif, me voilà de nouveau dans une salle sombre, et c’est reparti de plus belle avec trois autres films japonais. Banzai!

Always: Sunset on Third Street 2 (Takashi Yamazaki, Japon, 2007)

Always: Sunset on Third Street 2 (Takashi Yamazaki, Japon, 2007)

Commençons par Always: Sunset on Third Street 2, suite du mélodrame nostalgique de catégorie supérieure qui nous avait conquis l’an dernier, en plus de nous faire puiser allègrement dans la boîte à mouchoirs. Cette chronique attachante des habitants d’un quartier tokyoïte populaire des années cinquante se poursuit de plus belle avec ce nouvel épisode qui, passé une savoureuse ouverture en forme d’hommage à Godzilla, reprend là où nous avions été laissés à la fin de l’opus original.

On y retrouve avec bonheur tous nos personnages fétiches : le romancier raté, le mécanicien caractériel (impayable Shin’ichi Tsutsumi), la mère de famille dévouée et une ribambelle d’enfants charmants, ainsi que l’atmosphère naïve, joyeuse et attendrissante qui fait tout le charme de ce divertissement qui ferait fondre un cœur de glace. On pourra remarquer quelques redites du côté des péripéties et des procédés dramatiques qui se déploient tout au long de cette fresque ambitieuse quoique dénuée de prétention, mais on ne pourra nier la qualité de la réalisation, impeccable, la remarquable reconstitution historique, qui vaut à elle seule un visionnement, et la réussite de ce complément un peu long mais d’une remarquable cohérence, qui reprend à la perfection la recette initiale.

A Colt is my Passport (Japon, Takashi Nomura, 1967)

A Colt is my Passport (Japon, Takashi Nomura, 1967)

On enchaîne avec une rareté en noir et blanc qui nous offre un plaisir cinéphile peu commun. Deuxième incursion dans la rétrospective « No Borders No Limits: 1960s Nikkatsu Action Cinema », A Colt is my Passport est daté de 1967, mais ce polar porté par une inoubliable ritournelle western mélancolique n’a pas pris une seule ride. Son style élaboré et sa coolitude authentique nous éblouissent complètement. La veille, on avait apprécié Velvet Hustler pour son caractère atypique et son personnage principal haut en couleur, mais dans le cas de ce film de Takashi Nomura, un illustre inconnu, on peut parler d’une véritable découverte qui, comme un bon vin, a pris du caractère et de la personnalité au fil des ans.

On peut discerner plusieurs emprunts à la culture occidentale dans cette histoire, somme toute classique mais menée à la perfection, d’un tueur à gages qui se réfugie dans un village portuaire avec son complice, où ils sont aidés dans leur fuite par une femme attachée à leur cause : éléments du film noir américain, avec ses anti-héros et son usage brillant des clairs-obscurs; motifs empruntés au western, avec sa musique lancinante et son duel final anthologique; influence de la nouvelle vague, avec ses cadrages inventifs, sa photographie somptueuse et son sens du montage. Tout cela est repris de brillante manière, et on s’étonne d’apprendre que ce joyau n’a jamais trouvé la reconnaissance qu’il mérite.

Plus de quarante ans après sa sortie commerciale, cette rétrospective permet enfin de lui rendre justice, avec une superbe copie 35 mm. On se réjouira d’apprendre que Criterion a acquis les droits de distribution pour une sortie DVD en 2009. Les inconditionnels de Johnnie To et de Quentin Tarantino trouveront dans ce film un véritable trésor que l’on recommande également à tous les amateurs de cinéma japonais. La tenue d’une telle rétrospective trouve tout son sens avec ce seul film, souvent considéré comme le préféré de la sélection, à bien juste titre.

Be a Man! Samurai School (Tak Sakaguchi, Japon, 2008)

Be a Man! Samurai School (Tak Sakaguchi, Japon, 2008)

Passons ensuite à la grande salle, où nous attend Tak Sakaguchi. L’acteur et chorégraphe d’arts martiaux que l’on a découvert avec Versus était présent parmi les invités conviés à la mémorable soirée d’hier, mais cette fois, les projecteurs sont braqués sur lui et les spectateurs, nombreux, attendent avidement une bonne ration de sa cuisine : de l’action débridée teintée d’humour et de dérision. Il vient présenter sa première réalisation : Be a Man! Samurai School, une parodie du machisme nippon qui est campée dans une école utilisant une discipline martiale et des châtiments impitoyables afin d’inculquer les fondements de la virilité et de l’honneur à une collection d’énergumènes soumis à un rude apprentissage, parmi lesquels Sakaguchi se donne évidemment le meilleur rôle.

Sans surprise de la part de celui qui a participé à des projets aussi farfelus et cabotineurs que Battlefield Baseball et Cromartie High School, la comédie occupe une large place au sein de cette production amorcée avec beaucoup de fougue, mais qui s’essouffle un peu en cours de route. On patauge allègrement dans le n’importe quoi, la caricature est souvent grossière et l’ensemble ne brille pas par sa cohérence et par son sens du rythme, mais bon, on est venus se dérider un peu et passer un bon moment sans prétention, et c’est exactement ce à quoi on a droit. L’absurde est au rendez-vous, plusieurs gags font mouche et la mâlitude est malmenée avec malice dans cette satire typiquement japonaise.

From Inside (John Bergin, États-Unis, 2008)

From Inside (John Bergin, États-Unis, 2008)

Le marathon nippon est terminé. Concluons cette copieuse fin de semaine avec rien de moins que l’apocalypse. On savait que From Inside, le film d’animation de John Bergin, nous promettait une splendeur visuelle ayant les couleurs d’un cauchemar de fin du monde. Et dès les premières images de ce conte macabre d’une rare intensité, on est subjugué. Par la beauté des images d’abord. Par la qualité de la narration ensuite, puis par cette musique atmosphérique qui nous transporte au sein de cette œuvre fort originale, située au croisement du film d’animation expérimental et du récit illustré.

Poétique et allégorique, le voyage est raconté par une femme enceinte prenant place à bord d’un train qui traverse un paysage ravagé par la mort et la dévastation. Son exploration d’un monde détruit emprunte une forme libre, à la manière d’un poème ou de la description d’un rêve. Nous suivons son errance, grandiose métaphore du destin de l’humanité, dans un parcours empreint d’un pessimisme accablant. Effectuant un travail artistique éblouissant, John Bergin insuffle une dimension onirique et méditative inspirée, traversée de plusieurs plans qui laissent le souffle coupé.

Dénué d’effets faciles, sombre et exigeant, From Inside se déploie avec une rigueur glaciale et terrifiante qui récompensera une écoute attentive et détachée de tout préjugé face à un film unique et affranchi des conventions du cinéma d’animation conventionnel. Cette œuvre absolument remarquable marque l’arrivée d’un nouveau talent exceptionnel. La sélection du programme « Animated Auteur Visions », d’une richesse éclatante, s’achève en forme d’apothéose artistique. Sans conteste, voici l’un de mes plus grands coups de cœur du festival.

12 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 10 : Velvet Hustler, The Shadow Spirit, Shamo, Tokyo Gore Police

Filed under: Cinéma hong kongais, Cinéma japonais, Fantasia 2008 — Marc-André @ 15:45

Carnets Fantasia 2008 : samedi 12 juillet

Fin de semaine nipponne en perspective : trois films japonais au menu aujourd’hui, et trois autres demain! Indigestion de pellicule japonaise en perspective? Nulle crainte à y avoir, cette cinématographie étant l’une de mes préférées.

Velvet Hustler (Tohio Masuda, Japon, 1967)

Velvet Hustler (Tohio Masuda, Japon, 1967)

On débute avec un des trois films sélectionnés par les organisateurs du programme intitulé « No Borders No Limits: 1960s Nikkatsu Action Cinema », qui nous permet de découvrir des perles inconnues des années soixante, une période faste pour ce studio spécialisé dans le film de genre stylisé, empruntant des codes cinématographiques au western, au film noir et même à la nouvelle vague française. Les cinéphiles occidentaux connaissent les œuvres de Seijun Suzuki, mais ils n’ont pas véritablement eu la chance de voir d’autres fleurons de cette époque, car ces films n’ont pas été distribués à l’extérieur des frontières japonaises, pas même dans les festivals. Une lacune que cette rétrospective itinérante nous permet de combler, en compagnie de Marc Walkow, programmateur du New York Asian Film Festival et spécialiste du genre, qui vient présenter le film, en plus d’ajouter les sous-titres en direct!

Son introduction riche en anecdotes et en détails informatifs précède la projection de Velvet Hustler, un étrange hybride de film de gangsters, de comédie et de romance dans lequel une vedette de l’époque, Tetsuya Watari, incarne une petite frappe prétentieuse et arrogante trouvant refuge dans la ville de Kobe, où il cherche à échapper à un assassin, tandis qu’il cherche à séduire une mystérieuse et insaisissable jeune femme. Longtemps demeurée introuvable, même au Japon, cette curiosité étonne par sa facture moderne, ses personnages excentriques et sa fusion des genres. Pas mal du tout, notre curiosité est piquée.

The Shadow Spirit (Masato Harada, Japon, 2007)

The Shadow Spirit (Masato Harada, Japon, 2007)

Restons dans la nostalgie avec un autre film japonais récent qui, lui, tente de recréer une époque révolue avec un parfum de désuétude assumée. Aucun risque de se tromper en affirmant que le récit du nouveau film du réalisateur de Bounce Ko Gals et de Kamikaze Taxi est compliqué. Ce serait même un euphémisme, tant The Shadow Spirit se dérobe sous nos yeux à force d’échafauder une structure narrative schizophrène, qui devient proprement impossible à démêler au bout de vingt minutes, et qui n’en finit plus ensuite de cultiver une opacité de plus en plus soûlante et inextricable, mais bizarrement fascinante, voire captivante.

En 133 minutes remplies à ras bord de coups de théâtre à répétition et de revirements dramatiques qui se succèdent plus rapidement qu’on ne peut les compter, Masato Harada parvient à articuler une quantité confondante d’intrigues qui empruntent au polar, au thriller, au fantastique et à la science-fiction. Je serais bien embêté de tenter de résumer ce film inclassable, un curieux exercice rétro très habilement mis en scène mais qui semble sorti tout droit du passé, en l’occurrence les années cinquante, reconstituées avec élégance. Le cinéaste s’amuse avec tous les genres possibles pour mieux nous jeter dans un état de perplexité continuelle. Heureusement, ça fonctionne, comme par miracle.

Cette démonstration absolument virtuose compte plusieurs moments d’humour réussi et mise sur les excellentes performances de ses acteurs, qui s’en donnent à cœur joie avec ce matériel, en particulier le merveilleux Shin’ichi Tsutsumi, un habitué des films de Sabu qui compose un personnage savoureux. Ceci fait en sorte que l’aventure demeure passionnante, en dépit du fait qu’on ne comprenne jamais véritablement où ce joyeux navire bordélique s’en va. Si les intrigues tarabiscotées à l’excès ne sont pas votre tasse de thé, on vous conseille d’éviter à tout prix. Mais les cinéphiles curieux qui sont avides d’expériences cinématographiques sortant de l’ordinaire seront ravis de découvrir que celle-ci l’est, complètement et indubitablement, au point de constituer un véritable défi lancé à vos repères filmiques. Ce n’est pas rien, mais il faut être diablement en forme et être prêt à sortir avec la tête pleine de points d’interrogation.

Shamo (Soi Cheang, Hong Kong, 2008)

Shamo (Soi Cheang, Hong Kong, 2008)

Après une telle leçon de complexité cinématographique, on est à peine surpris de se retrouver au ras de la moquette avec Shamo, un lamentable exemple de médiocrité scénaristique que l’on tente de maquiller avec un beau vernis stylistique qui se veut trash. Peine perdue.

Aux commandes, on retrouve pourtant Soi Pou-Cheang, un cinéaste qui nous a donné quelques très bons films de genre récents en provenance de Hong Kong (dont Dog Bite Dog, vu à Fantasia en 2007). Mais cet habile faiseur est capable du meilleur comme du pire, souvent dans le même film, et ici, c’est le pire qui l’emporte largement, avec des rebondissements narratifs risibles et une lassante propension à essayer de nous en mettre plein la gueule à chaque seconde.

Dans cette sempiternelle variation sur le pauvre criminel au cœur brisé qui tente de donner un sens à sa vie en devenant champion de boxe – un concept usé à la corde, c’est le moins que l’on puisse dire – il trouve systématiquement refuge dans les effets poseurs qui gâchaient la dernière partie de Dog Bite Dog, son film précédent, nettement supérieur. Ici, il sacrifie encore plus rapidement un début assez prometteur et une ambiance glauque bien travaillée en privilégiant une esthétique tape-à-l’œil et un recours au mélodrame qui vire carrément au ridicule, tant les personnages sont réduits à l’état de caricatures informes. Le récit accumule les faux pas avant d’en rajouter avec une finale maladroite dont la nullité nous cloue sur place. Un peu plus et on criait bouh.

Tokyo Gore Police (Yoshihiro Nishimura, Japon, 2008)

Tokyo Gore Police (Yoshihiro Nishimura, Japon, 2008)

Heureusement, ce n’était pas fini. Oh que non. Le clou de cette soirée a semé l’euphorie collective et entrera dans les annales du festival. La représentation de Tokyo Gore Police en séance de minuit était l’un des événements les plus attendus de cette douzième édition, et sans l’ombre d’un doute, on peut ranger cette projection parmi les moments magiques et inoubliables de l’histoire du festival. Le théâtre Hall était rempli à craquer pour assister à ce déferlement de folie furieuse sanguinolente.

On aura rarement vu une projection de minuit aussi courue – il y avait même des gens assis dans les allées. L’atmosphère était électrisante, et Mitch Davis a déclenché un véritable incendie de délire lorsqu’il est venu présenter les artisans du film : Yoshinori Chiba et Yoko Hayama, les producteurs, Tak Sakaguchi, concepteur des chorégraphies du film et acteur fétiche depuis Versus, le réalisateur Yoshihiro Nishimura, spécialiste des effets visuels qui a déjà travaillé pour Sion Sono, et qui signe avec Tokyo Gore Police son premier long métrage, et enfin, la plus attendue des fans, l’actrice Eihi Shiina, l’inoubliable madame « kiri kiri kiri » de Audition. De la visite royale, qui a reçu un accueil complètement hystérique de la part d’une foule enthousiaste jusqu’à la transe. Quel moment formidable. Et le film n’était même pas encore commencé!

La table était mise, et ce qui a suivi, c’est un buffet grandguignolesque de couleur rouge qui a dégouliné jusque dans la salle. Une virée grandiose au cœur de la démence cinématographique la plus jubilatoire qui soit. Le gore était à l’honneur, et pas à peu près, noyant même la lentille de la caméra à de multiples reprises. Mais contrairement à Machine Girl, dont le seul intérêt réside dans la multiplication des séquences répulsives et grotesques, Tokyo Gore Police a du style à revendre, une atmosphère du tonnerre (aidée par une excellente musique), des idées cinématographiques brillantes et un propos social incisif pour appuyer cette hémorragie filmique incontrôlée.

Dans ce récit futuriste déjanté, les forces policières ont été privatisées à Tokyo, où règne une terreur sociale alimentée par les « engineers », des mutants criminels que tente de contrecarrer le personnage incarné par Eihi Shiina, elle-même en proie à des pulsions violentes contradictoires qui sont alimentées par un passé traumatique.

Il y a de tout dans cette orgie sensorielle anarchiste : des mutations génétiques carnavalesques qui évoquent le David Cronenberg première manière, des combats cathartiques qui virent au carnage, et surtout, des parodies de publicités télévisées d’une méchanceté savoureuse. Ces bijoux d’humour noir corrosif comptent parmi les meilleurs moments du film, rehaussent le niveau d’un cran et évoquent les films d’anticipation de Paul Verhoeven.

La foule a également droit à ce qu’elle attend – du gore, encore du gore, des prouesses barbares spectaculaires, des démembrements et des éviscérations, à ne plus savoir quoi en faire. Et la représentation s’achève dans la jubilation manifeste des spectateurs. Le tout se termine très tard, après une période de questions-réponses où le réalisateur apparaît dans un costume hilarant, prothèse en main, tandis que Tak Sakaguchi insiste pour effectuer une démonstration de son talent acrobatique – mais pourquoi pas, Tak, vas-y! Grisés par ce succès, les invités signent des autographes et posent généreusement en compagnie de fans survoltés. Le festival pourrait s’arrêter ici, on est comblés. Mais allons dormir quelques heures, ça reprend demain, et on n’est qu’à mi-chemin, beaucoup d’autres délires nous attendent!

11 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 9 : The Objective, Adrift in Tokyo, Shadows in the Palace, X-Cross, Bad Biology

Filed under: Cinéma américain, Cinéma japonais, Cinéma sud-coréen, Fantasia 2008 — Marc-André @ 00:16

Carnets Fantasia 2008 : vendredi 11 juillet

The Objective (Daniel Myrick, États-Unis, 2008)

The Objective (Daniel Myrick, États-Unis, 2008)

Nous sommes bientôt arrivés à mi-parcours, et le festival ne montre aucun signe d’essoufflement, bien au contraire. Plusieurs invités internationaux prestigieux sont en ville, et cette deuxième fin de semaine promet de nombreuses pièces de résistance, notamment deux séances de minuit très attendues et une série consacrée à des trésors inconnus du cinéma japonais des années soixante. On aimerait pouvoir posséder la capacité de se dédoubler afin de pouvoir assister à tous les films intéressants qui sont au programme, mais inutile de rêver en couleur, il faudra faire des choix, parfois déchirants. Commençons par le retour de Daniel Myrick, qui s’est fait un nom avec The Blair Witch Project, le film ayant amorcé la vague du cinéma-vérité qui connaît un véritable essor à l’heure actuelle dans le cinéma de genre, comme en témoigne la thématique intitulée « Playback in Black », à l’honneur au festival cette année.

Son nouvel opus, The Objective, ne fait toutefois pas partie de cette sélection, car la technique de la caméra subjective, bien que toujours présente, y occupe une place plus restreinte. Le cinéaste explore plutôt de nouveaux territoires avec ce récit fantastique situé en Afghanistan, dans lequel une troupe d’élite est chargée d’une mission secrète aux confins du monde afin de retrouver un mystérieux individu recherché par un expert qui pourrait bien avoir des intentions cachées. L’idée de départ rappelle Apocalypse Now!, en beaucoup moins ambitieux et élaboré bien sûr, mais la mission militaire bifurque du côté d’un thriller surnaturel qui cultive une certaine ambiguïté politique. Rien de bien terrifiant ou spectaculaire à se mettre sous la dent ici, mais le récit parvient à maintenir notre intérêt et notre attention, à défaut de nous captiver entièrement. Une œuvre modeste mais intrigante et efficace.

Adrift in Tokyo (Satoshi Miki, Japon, 2007)

Adrift in Tokyo (Satoshi Miki, Japon, 2007)

La séance suivante nous réserve l’une des plus agréables surprises du festival. Sans coup d’éclat mais avec un humour fin et irrésistible, Adrift in Tokyo vise droit avec au cœur grâce à son récit libre et fantaisiste où un jeune homme nonchalant à la coiffure impossible (formidable Jô Odagiri, qui rappelle étrangement les Leningrad Cowboys) accompagne un individu qui lui promet d’annuler ses dettes s’il accepte de déambuler à pied dans Tokyo avec lui… pendant une durée de temps indéterminée.

Mine de rien, leur randonnée dans la mégapole multipliera les situations cocasses, les personnages invraisemblables mais attachants et les rencontres totalement incongrues, tout en abordant subtilement et avec une remarquable économie des thématiques très fortes : le souvenir, la mémoire, la famille, et on en passe. On se délecte des innombrables moments de pur délice comique absurde qui se succèdent tout au long de ce joyeux périple impossible à résumer, avant d’être gagné par une émotion admirablement bien dosée et développée au fil des événements qui ponctuent leur trajectoire, en forme d’errance philosophique habilement dissimulée sous des traits légers et distrayants. Un objet cinématographique non identifié d’une grande sensibilité, à la douce folie communicative, comme seuls les nippons savent les concocter.

Shadows in the Palace (Kim Mee-jung, Corée du Sud, 2007)

Shadows in the Palace (Kim Mee-jung, Corée du Sud, 2007)

On change de salle, de genre, d’ambiance et de pays avec Shadows in the Palace, un thriller sud-coréen d’époque à la manière de Blood Rain ou de The Name of the Rose. Fort d’une réalisation soignée, ce premier long métrage possède la particularité d’être réalisé par une femme, et d’être situé dans l’univers secret et impitoyable des servantes de la cour de la dynastie Joseun.

Presque entièrement féminin, ce vase clos fait de solidarités, de jalousies et de trahisons offre un contexte original, fort bien exploité au fil d’une intrigue amorcée par la découverte de la mort suspecte de l’une d’elles. Une infirmière mène l’enquête, et tente de percer un mystère qui dévoile des ramifications de plus en plus complexes et entremêlées à mesure que le récit progresse. La mise en scène et la direction artistique font preuve d’un indéniable savoir-faire qui est devenu la marque de commerce du cinéma sud-coréen grand public, tandis que le scénario hésite entre le suspense et le surnaturel, avec quelques effets horrifiques disséminés ça et là. On regrettera que la dernière partie se perde dans un dédale de révélations et de revirements narratifs qui sèment la confusion, mais cette production vaut le détour pour les amateurs du genre.

X-Cross (Kenta Fukasaku, Japon, 2007)

X-Cross (Kenta Fukasaku, Japon, 2007)

Après un casse-tête sud-coréen, pourquoi pas une bonne dose de folie furieuse à la japonaise? Le sérieux est mis au placard avec X-Cross, une bizarrerie inqualifiable et complètement ridicule signée Kenta Fukasaku, fils du légendaire réalisateur de Battle Royale. Fiston n’avait pas laissé une bonne impression lorsqu’il avait dû remplacer son père à pied levé pour terminer la suite quelconque de cette œuvre marquante. Pourra-t-il faire ses preuves et trouver un meilleur accueil avec cet objet filmique sérieusement fêlé du cabochon? Eh bien la réponse est oui, à condition que l’on accepte l’invraisemblable mise en situation, le ridicule systématique du récit et la niaiserie bien assumée de ce faux film d’horreur qui se transforme rapidement en délire comique jubilatoire sur l’acide.

Deux jeunes filles parties se détendre dans un spa y découvrent que les habitants du village qui les accueille ont de bien curieuses et inquiétantes pratiques rituelles. Disons qu’ils sont fétichistes du pied, mais de manière un peu extrême. Tout est en place pour un film d’horreur formaté pour adolescents. Mais Fukasaku fils choisit judicieusement de déjouer les attentes et de s’amuser un peu avec les conventions du genre. D’abord en proposant un dispositif narratif surprenant, fait d’habiles retours en arrière qui dévoilent des événements simultanés. Ensuite en privilégiant un humour grotesque, des personnages farfelus et des situations totalement absurdes où triomphe une bêtise sans prétention, qui évite de verser dans la surenchère. À la place, on a droit à un numéro de cirque qui ne lésine pas sur les extravagances et qui suscite l’hilarité à maintes reprises. C’est vendredi soir, et cette fantaisie macabre disjonctée à cinq sous remplit parfaitement son mandat : celui de divertir la foule avec un soupçon de démence. Mission accomplie.

Bad Biology (Frank Henenlotter, États-Unis, 2008)

Bad Biology (Frank Henenlotter, États-Unis, 2008)

Il fallait terminer ce vendredi comme il se doit, c’est-à-dire avec une séance de minuit délirante. Et celle-ci était particulièrement attendue, avec une excitation et une fébrilité palpables. Annoncé comme l’un des grands événements subversifs de cette douzième édition, le retour de Frank Henenlotter, auteur des cultissimes Basket Case, Frankenhooker et Brain Damage, aura même été accueilli avec une ovation debout de la part d’une grande partie de la foule, qui l’a acclamé spontanément lorsqu’il est monté sur scène afin de présenter Bad Biology, son premier long métrage après seize ans d’absence.

C’est dire à quel point sa filmographie fait l’objet d’un culte auprès de certains cinéphiles. Tout était en place pour une projection mémorable. Malheureusement, ce brûlot irrécupérable a eu l’effet d’un pétard mouillé sur votre humble serviteur. Le film débute sur des chapeaux de roue et se mérite très certainement des points du côté de son concept complètement pervers, de son effronterie malsaine et de son irrévérence tordue, mais il n’est pas le chef-d’œuvre trash espéré par certains. Après un début très inspiré et décadent à souhait, cette farce ultra sexuelle et complètement grotesque vire rapidement au procédé, faute d’avoir pu développer suffisamment les idées initiales du projet – à la fois géniales et génitales! – et dont le potentiel s’essouffle rapidement.

Il s’ensuit une banale répétition de séquences recourant systématiquement à l’exploitation d’un érotisme convenu et peu inspiré. Le montage sonore, plutôt brouillon, rend la narration pratiquement impossible à discerner. Celle-ci se retrouve noyée dans une trame musicale hip hop terne et répétitive, qui semble mal adaptée au récit. Il faut dire également qu’en seize ans, le public cinéphile a eu la chance de voir plusieurs œuvres extrêmes qui vont beaucoup plus loin que celle-ci, ce qui atténue la portée des effets chocs et du degré de subversion affiché par le cinéaste. Malgré ces ratés, compréhensibles après une aussi longue absence, on ne peut qu’éprouver de la sympathie pour cet irrécupérable énergumène qui persiste et signe, envers et contre tous. Souhaitons qu’il puisse récidiver bientôt avec une œuvre plus achevée.

10 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 8 : Epitaph, Accuracy of Death, Home Movie

Filed under: Cinéma américain, Cinéma japonais, Cinéma sud-coréen, Fantasia 2008 — Marc-André @ 00:10

Carnets Fantasia 2008 : 10 juillet

Epitaph (Jeong Beom-sik et Jeong Sik, Corée du Sud, 2007)

Epitaph (Jeong Beom-sik et Jeong Sik, Corée du Sud, 2007)

Entamons cette nouvelle journée avec une production horrifique en provenance de la Corée du Sud : Epitaph, premier long métrage des frères Jeong, qui proposent un trio d’histoires d’épouvante campées sous l’occupation japonaise. L’idée de base est intéressante, et on peut très certainement affirmer que ce duo de réalisateurs a du talent à revendre pour ce qui est de la direction photo, très élégante et soignée; en revanche, ils sont recalés pour la pauvreté de l’ambiance, complètement inexistante, et surtout pour la platitude intégrale d’un scénario bancal et inutilement alambiqué, qui multiplie les pirouettes surnaturelles et les effets macabres pour mieux cacher l’indigence de son écriture bâclée. On s’ennuie ferme devant cet exercice de style laborieux qui est noyé dans une trame musicale gluante et exaspérante.

Accuracy of Death (Masaya Kakei, Japon, 2008)

Accuracy of Death (Masaya Kakei, Japon, 2008)

Appelons la grande faucheuse à la rescousse de cette journée mal entamée. Accuracy of Death constitue le premier long métrage de Masaya Kakei, dans lequel Takeshi Kaneshiro incarne un ange de la mort chargé de juger du sort de trois personnes, en l’occurrence une jeune femme, un yakuza et une vieille dame, à trois époques différentes. Doivent-elles mourir, ou pourront-elles continuer à vivre? Élégamment vêtu et accompagné d’un chien qui lui pose continuellement des questions, celui-ci devra trancher. Un sujet macabre et plutôt original, traité avec une légèreté confondante par le cinéaste qui opte pour un ton badin et vaguement mélancolique tout au long des trois sketches de ce film divertissant et agréable, mais plutôt terne du côté de la mise en scène, impersonnelle et trop sage en regard du potentiel de l’idée de départ.

Home Movie (Christopher Denham, États-Unis, 2008)

Home Movie (Christopher Denham, États-Unis, 2008)

En complément de journée, Home Movie, premier film de l’acteur Christopher Denham, est présenté en première mondiale devant une salle pleine à craquer. Cet exercice de terreur psychologique adopte la forme d’une vidéo amateur qui révèle progressivement le caractère machiavélique des deux enfants d’une famille qui semble sans histoire, mais qui bascule dans la paranoïa morbide lorsque les bambins dévoilent des traits de comportement de plus en plus inquiétants. Très lentement, le récit fragmenté et subjectif distille des éléments chocs tout en construisant un fort habile sous-texte où il est question de religion, de psychiatrie et de dynamiques familiales, en parfait contrepoint avec le style cinéma-vérité, utilisé avec une redoutable efficacité. Dérangeant et astucieux, Home Movie reprend les procédés narratifs de Blair Witch Project, avec un propos social en prime.

Older Posts »

Propulsé par WordPress.com.