Travelling Avant

10 octobre 2009

FNC 2009, jour 2 : les morts-vivants envahissent l’Impérial

Filed under: Cinéma américain, Festival du nouveau cinéma 2009, Horreur — Marc-André @ 09:14
Survival of the Dead

Survival of the Dead

De la grande visite et un beau moment, hier soir, au Cinéma Impérial. Le Festival du nouveau cinéma recevait le légendaire créateur de Night of the Living Dead, George A. Romero. Celui-ci accompagnait son plus récent film, Survival of the Dead, présenté dans la section Temps ø. Une horde d’amateurs friands de chair décomposée s’était déplacée pour l’occasion, et lui a réservé un accueil chaleureux.

Accueilli par une ovation debout, Romero a ensuite reçu la Louve d’honneur du festival, pendant que les cinéphiles imitaient le cri du loup. Le cinéaste s’est prêté avec générosité au traditionnel exercice des questions et réponses après la projection, où il a parlé de ses films et évoqué quelques savoureuses anecdotes, dont quelques-unes à propos d’un autre maître du macabre, Dario Argento, avec qui il a déjà collaboré.

Et qu’en est-il de son plus récent film? Celui-ci n’est bien évidemment pas à la hauteur des trois premiers opus de sa légendaire filmographie. Il nous a toutefois fait passer un bon moment, avec ses traits empruntés au western et quelques saillies d’humour, qu’elles soient volontaires ou non (la plupart le sont). Romero ne s’est manifestement pas pris trop au sérieux en réalisant Survival, tout en ne ménageant pas les effets chocs pour lesquels il est reconnu. Le résultat est plutôt inégal, en particulier du côté de l’interprétation, mais il n’en demeure pas moins sympathique et dénué de prétention.

26 août 2009

Halloween 2 : hérésie et ignominie

Filed under: Cinéma américain, Horreur — Marc-André @ 22:36
Halloween 2

Halloween 2

Non content d’avoir outrageusement profané l’oeuvre originale de John Carpenter, voilà que Rob Zombie récidive avec Halloween 2, en salle ce vendredi. À moins que vous ne soyez masochiste ou fasciné par la médiocrité, fuyez cette triple daube prétentieuse en puissance.

Comme de nombreux autres inconditionnels du Halloween de 1978 – un film découvert encore tout jeune et qui a marqué en profondeur mon parcours de cinéphile – j’ai passé outre mes réticences face à ce réalisateur et accordé une chance au remake initial de Zombie. Bien mal m’en prit. Je ne me suis pas encore remis d’avoir assisté à une telle infâmie.

Puisque je m’apprête à intégrer à ce blogue une série de billets composés pour le site dont il est le rejeton – www.travellingavant.net, qui sera bientôt relégué aux oubliettes du cyberespace – je me permets de republier le texte rédigé lors de la sortie de Halloween, à l’automne 2007. Qu’il serve de mise en garde devant une entreprise que je qualifierais de nauséabonde.

* * * * * * * * * *

Halloween (2007)

Halloween (2007)

Quel épouvantable gâchis. On avait de bien légitimes raisons de nourrir de fortes appréhensions à l’idée d’un remake de l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma d’horreur, modèle absolu du slasher, entre les mains du très subtil Rob Zombie. La médiocrité consternante du résultat dépasse tout entendement. Avec l’acharnement d’un bûcheron décérébré, le bien nommé Zombie a massacré le film emblématique de toute une génération de cinéphiles férus d’épouvante. Son Halloween fait insulte au film original de John Carpenter, tant il carbure à la grossièreté systématique et à la plus profonde bêtise. Pire qu’un ratage intégral, ce film est une honte abyssale.

Divisée de manière ridicule en trois parties qui sont en totale contradiction les unes avec les autres, la nouvelle mouture de Halloween a tôt fait de jeter aux oubliettes l’ensemble des éléments qui assuraient la réussite de l’oeuvre originale, à savoir : un scénario simple et efficace, un sens de l’atmosphère et du mystère, un montage serré et une économie de moyens et d’effets. N’ayant manifestement rien compris au film original, Rob Zombie fonce plutôt tête baissée dans la direction opposée, et propose au spectateur un véritable bulldozer hillbilly hystérique, sorte de continuation remâchée et caricaturale des pires moments de The Devil’s Rejects. Ainsi, les trente premières minutes constituent une tentative dérisoire de déplacer le mythe de Michael Myers dans l’univers simpliste et sordide du réalisateur, peuplé de white trash, de psychologie à cinq sous, de violence primaire et de vulgarité incessante. Faux prequel inséré avec une maladresse inouïe à même la matière du scénario original, cette première partie aura tôt fait d’offenser et de scandaliser les irréductibles fans de la version de 1978. En cherchant à expliquer lourdement les origines du mal destructeur de Michael Myers, Zombie livre en ouverture un segment pitoyable, parsemé de fautes de goût évidentes et d’une approche sociologique digne du niveau intellectuel d’un match de lutte. Si bien qu’après 30 minutes d’un insupportable carnage redondant et dénué de toute pertinence, on a déjà envie de quitter la salle. On n’est pourtant pas au bout de notre peine.

Ayant passé le premier tiers de son film à digresser de manière lourde et interminable autour de ses sempiternelles thématiques bourrées de clichés et avoir enchaîné avec une deuxième partie, brève mais elle aussi totalement ratée, portant sur l’internement de Michael Myers, Zombie semble tout à coup décider de véritablement s’atteler à son idée de remake. Il était temps – mais en fait, il est déjà trop tard. Le troisième acte deviendra ainsi soudainement beaucoup plus fidèle au scénario original de Carpenter et de Debra Hill – du moins, à une version racoleuse et passée au mélangeur, à haute vitesse puisqu’il reste peu de temps au compteur. Après avoir fait des pieds et des mains pour déporter Halloween dans son univers à lui, Zombie se contente tout à coup de recréer les scènes, sans vision d’ensemble et avec un manque de cohésion digne d’un débutant. À partir de là, le film se transforme en un patchwork accéléré et aléatoire qui reprend tous les éléments de l’original et les transforme en une pâte indigeste. Certaines scènes sont identiques, d’autres ajoutées ou transformées, mais elles sont toutes dénuées de la moindre qualité cinématographique et du plus essentiel sens du suspense et de la terreur. Au lieu de cela, Zombie nous offre un carnage sans âme, asséné par un colosse muet primitif et ridicule qui est totalement en contradiction avec la vaine tentative d’humanisation de son personnage effectuée en première partie. Un tel manque de cohérence laisse pantois.

Hésitant entre le rire (plusieurs scènes sont ratées au point où elles suscitent une drôlerie involontaire) et la consternation la plus totale, le spectateur devra ensuite subir une succession assommante de scènes brutales et grandguignolesques, enchaînées nonchalamment et avec une vitesse effarante, comme si Zombie lui-même avait hâte d’en finir avec ce gâchis généralisé. Les amateurs de barbarie sanguinolente seront servis avec la multiplication de scènes violentes qui ont pour seul but de nous faire oublier la médiocrité systématique du jeu des acteurs (même Malcolm McDowell, qui doit se mordre les doigts d’avoir participé à un tel navet, semble se demander ce qu’il fout là) et les ratés d’une réalisation approximative qui expose crûment le manque de talent et de vision de Zombie en tant que cinéaste.

On a souvent souligné à quel point Rob Zombie est un fervent admirateur et un continuateur d’un certain cinéma sauvage et viscéral propre aux années soixante-dix. Si cela est vrai, il est d’autant plus difficile de comprendre pourquoi il a souhaité s’aventurer sur un terrain aussi iconique et périlleux, qui n’a rien à voir avec son univers de tarés insignifiants. Très loin de l’hommage et de l’amour du genre dont témoigne un Tarantino, son Halloween ressemble davantage à une réappropriation poseuse, bancale et maladroite. Bien des fans ne le lui pardonneront pas. Il est aussi l’exemple par excellence qui démontre que la vogue actuelle des remakes est une impasse mercantile et un fléau culturel. Combien d’autres classiques sont en voie d’être charcutés et trahis de la sorte?

26 juillet 2009

Fantasia 2009 : The Children

Filed under: Cinéma anglais, Fantasia 2009, Horreur — Marc-André @ 12:08
The Children

The Children

Chaque année, certaines thématiques se démarquent plus que d’autres au sein de la sélection de Fantasia. Et cette treizième édition met très certainement la famille à l’avant-plan, pour ne pas dire à rude épreuve. Dysfonctionnelle, recomposée, décomposée ou carrément pulvérisée, la sphère familiale est le lieu de tous les psychodrames et de toutes les horreurs. Depuis le début du festival, la maternité, les difficiles relations parents-enfants et le traumatisme des dynamiques familiales sont auscultés sous diverses facettes, parfois de manière humoristique, souvent sous un angle résolument dramatique et choquant, dans des oeuvres aussi différentes que Nightmare Detective 2, The Wild and Wonderful Whites of West Virginia, Blood River, Kaifeck Murder, Combat Shock et, bien sûr, Grace. Les enfants ne sont pas en reste non plus, notamment avec Orphan et surtout, The Children.

Ce dernier s’inscrit résolument dans le sous-genre horrifique inconfortable des enfants maléfiques, ou plutôt, des enfants tueurs. Une thématique qui peut facilement sombrer dans le registre du plus douteux mauvais goût, mais qui compte également son lot de réussites dérangeantes, notamment The Brood, de David Cronenberg, le percutant Who Can Kill a Child?, du cinéaste espagnol Narciso Ibáñez Serrador, et plus récemment, Vinyan, de Fabrice du Welz (voir ma critique). The Children fait indéniablement partie de cette dernière catégorie.

Dans ce film au déroulement implacable, deux familles qui se sont réunies à l’occasion du congé de Noël vont basculer dans l’horreur d’un cauchemar abominable, entre les mains de leur progéniture devenue soudainement et inexplicablement sanguinaire. D’abord victimes de mystérieux malaises, les bambins, de plus en plus tendus et agités, développent une véritable furie qui va s’abattre sur des parents soudainement en proie à un contexte de survie hostile et inimaginable.

Amorcé avec des traits acérés et cinglants assénés en direction d’adultes dont il dissèque sans ménagement l’hypocrisie et les contradictions, le scénario retors et redoutable du cinéaste Tom Shackland insuffle une fine dose d’allusions fantastiques et d’ambiguïté psychologique en ouverture, avant de faire pivoter le récit dans des directions à la barbarie surprenante.

The Children assume pleinement ses velléités horrifiques, et la thématique de l’horreur infantile est poussée dans ses derniers retranchements tout au long de cette oeuvre macabre à souhait et remarquablement bien exécutée. Le contexte hivernal est bien exploité, et la suite des événements, parfaitement maîtrisée, réserve un lot élevé de scènes choquantes à faire grincer des dents. Certes, on pourra chipoter sur certaines invraisemblances ou sur la dimension malsaine de ses débordements morbides, mais il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un film d’horreur d’excellente qualité, semant le malaise à la perfection, tout en s’inscrivant avec panache parmi la passionnante nouvelle vague d’horreur britannique.

20 juillet 2009

Fantasia 2009 : House of the Devil ajouté à la programmation

Filed under: Cinéma américain, Fantasia 2009, Horreur — Marc-André @ 23:46
The House of the Devil

House of the Devil

Cette treizième édition de Fantasia n’en finit plus de nous offrir des surprises. En voici une autre, d’autant plus agréable qu’elle est inattendue.

Amateurs de cinéma d’épouvante, réjouissez-vous! L’équipe du festival avait bien dissimulé l’un de ses cadeaux horrifiques sous le sapin des réjouissances annuelles. House of the Devil, un film d’horreur atmosphérique signé Ti West, a été ajouté à la programmation de la dernière fin de semaine de festivités.

House of the Devil recrée l’ambiance et le style des films de peur des années quatre-vingt, mais sans le vernis kitsch habituel. Depuis sa présentation au festival de Tribeca, le film de Ti West (qui avait déjà présenté The Roost à Fantasia en 2005) s’est attiré un excellent bouche à oreille qui en fait l’un des films d’horreur indépendants américains les plus attendus de l’année. Espérons que l’oeuvre livrera les frissons, le charme rétro et le climat de terreur attendus. La participation de Glass Eye Pix et de Larry Fessenden à la production m’inspire certainement confiance.

Une seule projection, le dimanche 26 juillet, à 19 h 15, au Théâtre Hall. Voir les détails sur le site officiel du festival.

8 juin 2009

Le cinéma horrifique, à la source de la cinéphilie?

Filed under: Cinéphilie, Horreur — Marc-André @ 14:58
Heeeeeeeeere's Johnny!

Heeeeeeeeere's Johnny!

Par le plus pur des hasards, je suis tombé sur un texte fort intéressant à propos des amateurs de cinéma d’horreur. Vous pouvez le lire à cet endroit :

6 Reasons Why Horror Fans Make The Best Film Fans

L’auteur y dénombre six raisons expliquant que les assoiffés de pellicule sanguinolente soient parmi les plus grands passionnés de septième art.

Voilà qui est bien visé, et surtout, qui fait réfléchir. C’est que je m’y reconnais, dans ce portrait. Comment peut-il en être autrement, quand à la base de sa propre cinéphilie, on retrouve The Shining, Halloween et The Exorcist?

On y reviendra, c’est certain.

16 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 14 : May 18, The Rebel, From Within

Filed under: Cinéma américain, Cinéma sud-coréen, Fantasia 2008, Horreur — Marc-André @ 16:25

Carnets Fantasia 2008 : mercredi 16 juillet

May 18 (Kim Ji-hun, Corée du Sud, 2007)

May 18 (Kim Ji-hun, Corée du Sud, 2007)

Les projections de films sud-coréens se suivent et ne se ressemblent pas. Après avoir fait une belle découverte lundi soir avec l’excellent No Mercy for the Rude, voilà qu’on sombre dans les bas-fonds du plus mauvais sirop mélodramatique qui soit avec May 18. Quel ratage épouvantable que ce film larmoyant et bâclé qui cherche à commémorer les événements tragiques qui sont survenus dans la région de Gwangju en 1980. L’armée sud-coréenne avait alors ouvert le feu sur des étudiants manifestant pour la démocratie, puis sur des innocents qui avaient ensuite décidé spontanément de se prendre les armes et de se défendre, avec des résultats catastrophiques.

On a toujours admiré le courage des cinéastes sud-coréens, qui n’hésitent pas à mettre en images plusieurs événements controversés et hautement politiques de leur histoire, même récente. Cette détermination à affronter les démons du passé nous a donné plusieurs excellents films – pensons notamment à Peppermint Candy, The President’s Last Bang et Silmido, devant lesquels cette reconstitution poussive et pimentée d’inexcusables fautes de goût fait bien piètre figure. Comment expliquer la présence de nombreuses séquences d’un humour gras et carrément insupportable qui entrecoupent d’horribles scènes de massacre? Ce cabotinage éhonté n’a tout simplement pas sa place dans un tel contexte. Pourquoi insister sur une romance inconsistante et mal développée entre deux assiégés, au lieu de s’interroger sur les événements qui sont dépeints? Il est clair que le cinéaste a choisi la voie de la facilité et du sensationnalisme grossier avec ce divertissement populaire de pacotille qui cherche maladroitement à émouvoir son public à tout prix. On se demande bien ce que Ahn Sung-kee, acteur emblématique du cinéma sud-coréen, est allé faire dans cette galère d’une mièvrerie consternante. Sujet en or et complètement gâché.

The Rebel (Truc 'Charlie' Nguyen, Vietnam, 2006)

The Rebel (Truc 'Charlie' Nguyen, Vietnam, 2006)

Passons avec soulagement de la Corée du Sud au Vietnam avec The Rebel, une production ambitieuse située dans les années vingt, en pleine occupation française. De mémoire, je crois qu’il s’agit du deuxième film vietnamien à être projeté à Fantasia, et d’évidence, ses artisans cherchent à frapper un grand coup avec ce film d’arts martiaux bourré de scènes d’action trépidantes qui tentent de rivaliser avec les productions similaires en provenance de Hong Kong et de Thaïlande. Et on peut dire qu’ils y sont parvenus en grande partie avec la production la plus coûteuse de l’histoire de son pays.

Ce premier film de Charlie Nguyen possède plusieurs qualités : une impressionnante reconstitution historique, une belle direction photo, beaucoup de style et des combats nombreux et spectaculaires qui plairont assurément aux amateurs de films d’action asiatiques. Aussi, on pardonnera les quelques invraisemblances qui ponctuent l’expérience, comme certaines situations un peu tirées par les cheveux ou encore le curieux accent de certains colons français, peu crédible. Ce sont des défauts mineurs, car l’ensemble se distingue par son énergie et par son sens du rythme. La mise en scène est soignée, et manifestement, beaucoup d’efforts ont été déployés afin de donner du panache à cette histoire qui trouve ses fondements dans les efforts d’émancipation de la population vietnamienne afin de se libérer du joug français. Cette dimension permet à The Rebel de se hisser au-dessus des films d’arts martiaux habituels, et son cadre exotique lui sied à merveille. On ne peut que saluer ce premier effort impressionnant, et souhaiter qu’il pave la voie à d’autres films en provenance du Vietnam.

From Within (Phedon Papamichael, États-Unis, 2008)

From Within (Phedon Papamichael, États-Unis, 2008)

La soirée se conclut avec un thriller surnaturel qui cherche à sortir des sentiers battus par les films d’horreur américains pour adolescents. From Within (à ne pas confondre avec From Inside, magnifique film d’animation poétique, également présenté cette année) est réalisé par Phedon Papamichael, un directeur photo réputé qui effectue un bon travail d’artisan, sans plus, avec ce récit d’épouvante qui s’amorce avec une série de suicides inexplicables qui terrorisent la population d’une petite ville du sud des États-Unis. Mais s’agit-il vraiment de suicides? Une étudiante tente de percer le mystère, tandis qu’une partie de la population sombre dans une paranoïa alimentée par un jeune fanatique religieux.

Sans être bien original, et encore moins effrayant, ce récit mise tout de même sur une réalisation sobre et appliquée qui ménage bien ses effets. Le cinéaste en profite également pour égratigner l’obscurantisme religieux de nos voisins du sud au passage, sans trop en rajouter. L’interprétation des jeunes acteurs est un peu mieux que la moyenne des films pour ados, et les personnages sont suffisamment crédibles pour nous intéresser. Enfin, la dernière partie réserve son lot de surprises, ce qui permet d’achever le visionnement sur une bonne note. Ce n’est pas mémorable, et on est loin d’un vrai renouvellement, mais c’est quand même pas mal, et c’est beaucoup moins prétentieux que la série des Final Destination.

6 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 4 : The Substitute, [Rec], Let the Right One In, Negative Happy Chainsaw Edge, Who’s That Knocking at my Door?

Carnets Fatasia 2008 : 6 juillet

The Substitute (Ole Bornedal, Danemark, 2007)

The Substitute (Ole Bornedal, Danemark, 2007)

Après un samedi bien chargé mais dénué de véritable enchantement cinématographique, une autre journée festivalière nous attend, et elle démarre de fort bon pied. L’arrière-goût amer laissé la veille par le lamentable Mother of Tears est vite chassé par The Substitute, une délicieuse comédie de science-fiction danoise dans laquelle l’actrice et cinéaste Paprika Steen s’en donne à coeur joie dans le rôle d’un nouveau professeur sadique qui tyrannise les pauvres adolescents de sa classe, bientôt persuadés que celle-ci est une extraterrestre qui trame de sombres desseins.

Cette irrésistible comédie pour adolescents dose parfaitement les éléments de science-fiction et d’épouvante pour mieux aborder des thématiques sociales, tout en proposant une sympathique réflexion sur l’empathie humaine. Les jeunes acteurs sont tous excellents, les répliques sont assassines et le rythme enlevé, et c’est un plaisir de voir Ulrich Thomsen (Adam’s Apples, Brothers) et Paprika Steen mordre à pleines dents dans de savoureux rôles de composition. Un autre brillant exemple du savoir-faire filmique à la danoise, une cinématographie qui a décidément le vent dans les voiles.

Rec (Jaume Balaguero et Paco Plaza, Espagne, 2007)

Rec (Jaume Balaguero et Paco Plaza, Espagne, 2007)

On n’aurait pas pu mieux commencer la journée, mais le meilleur est à venir. Le film suivant jette la totalité des spectateurs présents en bas de leur siège. Voici enfin l’une des pièces de résistance du festival : [Rec], présenté une fois de plus devant une salle comble. Ceux qui étaient présents lors de la séance du vendredi soir nous ont promis une expérience viscérale mémorable, et ma foi du bon dieu, ils avaient bien raison.

Nous voilà certainement devant l’un des meilleurs films d’horreur depuis des lustres. Ce remarquable film espagnol nous offre la meilleure expérience horrifique à Fantasia depuis Haute Tension, en 2004. Amorcé sous la forme d’un pastiche de documentaire sur le quotidien d’une caserne de pompiers, le film bascule progressivement vers la terreur pure, pour se transformer en un véritable cauchemar apocalyptique.

Tourné caméra à l’épaule dans un état de panique et de tension permanent, [Rec] participe à la vogue actuelle du cinéma-vérité, déclenchée il y a près de dix ans par The Blair Witch Project, mais surpasse ses prédécesseurs sur tous les plans. Le dispositif de la caméra subjective est utilisé à merveille et la mise en scène est absolument implacable. Même les plus endurcis auront eu droit à une frousse de premier ordre avec ce brillant objet cinématographique que revendiquent Jaume Balaguero et Paco Plaza. Gageons que ce film figurera très haut parmi les favoris du festival. Premier authentique coup de coeur du festival cette année.

Negative Happy Chain Saw Edge (Takuji Kitamura, Japon, 2007)

Negative Happy Chain Saw Edge (Takuji Kitamura, Japon, 2007)

Après cette inoubliable virée en montagnes russes, on revient sur terre avec la fantaisie juvénile japonaise qui remporte le grand prix du titre qui ne veut absolument rien dire mais qui résonne quand même bien dans nos oreilles : Negative Happy Chain Saw Edge. Joli programme, mais de quoi ça parle exactement? D’amour et d’amitié, voyons.

Il n’y a vraiment que nos irremplaçables cousins nippons pour concocter une romance à l’eau de rose aussi hallucinogène entre un étudiant freluquet qui s’amourache d’une jeune fille pourchassant un démon à capuchon qui lui court après sous la neige avec une scie mécanique. Le tout est assaisonné de courses de motos inutiles, d’une scène musicale jetable, de quelques séquences incompréhensibles se déroulant dans une piscine, d’une quantité industrielle de sous-intrigues à l’intérêt variant de nul à douteux, et de quelques moments coquets suivis de séances de combat qui ne passeront vraiment pas à l’histoire. C’est gentil comme tout et légèrement divertissant, mais après une claque comme celle que [Rec] nous a assénée, disons que ça résonne comme un coup d’épée dans l’eau.


Let the Right One In (Toms Alfredson, Suède, 2008)

Let the Right One In (Toms Alfredson, Suède, 2008)

L’intermède sucré nippon est terminé, on a pu reprendre nos forces. Place à l’autre moment de grâce de cette très substantielle journée : le drame d’horreur existentielle suédois Let the Right One In. Je ne le cacherai pas, c’est mon film le plus attendu du festival. Et l’oeuvre de Tomas Alfredson se révèle à la hauteur de tous les espoirs créés par le bouche à oreille dont il fait l’objet depuis quelques mois sur le Web.

Splendide sur le plan visuel, ce drame psychologique effectue une brillante relecture de la mythologie vampirique pour mieux aborder le désarroi émotif de deux adolescents solitaires et esseulés qui tentent un rapprochement. L’interprétation des jeunes acteurs est prenante, et on admire la beauté de la mise en scène, la subtilité des sentiments esquissés et l’équilibre remarquable entre les motifs appartenant au cinéma de genre et les éléments sociaux et dramatiques du récit. Une grande découverte, et un deuxième coup de coeur en moins de quelques heures.

Who's That Knocking at my Door? (Yang Hea-hoon, Corée du Sud, 2007)

Who's That Knocking at my Door? (Yang Hea-hoon, Corée du Sud, 2007)

En finale de cette autre journée bien remplie, un premier film sud-coréen qui a le mérite de sortir des sentiers battus. Who’s That Knocking at my Door est inusité au point où les trente premières minutes sont pour le moins déroutantes, pour ne pas dire incompréhensibles. On sait qu’il est question d’un homme qui ne s’est jamais remis des traumatisantes expériences d’intimidation qu’il a vécues dans sa jeunesse. Le hasard fait en sorte qu’il croise son bourreau. Surgi du passé, celui-ci envahit de nouveau sa vie et fait surgir des sentiments troubles. Des extraits énigmatiques de clavardage sur le bullying avec des inconnus entrecoupent des séquences filmées de manière âpre et réaliste, sans lien apparent et sans qu’on comprenne où tout cela se dirige, jusqu’à ce que la deuxième partie rassemble quelques morceaux de ce casse-tête plutôt confus.

On pense bien sûr à Park Chan-wook en visionnant ce film portant sur la vengeance, mais le style se rapproche davantage du cinéma indépendant ou de l’oeuvre de Hong Sang-soo. Un début prometteur qui réclame un deuxième visionnement, de la part d’un nouveau venu dont on retiendra le nom : Yang Hea-hun.

18 juillet 2007

Fantasia 2007 : Nightmare Detective

Filed under: Cinéma japonais, Fantasia 2007, Horreur — Marc-André @ 18:48
Nightmare Detective (Shinya Tsukamoto, Japon, 2006)

Nightmare Detective (Shinya Tsukamoto, Japon, 2006)

Pour son neuvième long métrage, Shinya Tsukamoto effectue un retour du côté de l’horreur viscérale et organique qui a établi sa réputation de cinéaste culte. À la sortie de A Snake of June et plus encore de Vital, plusieurs ont pu croire que le cinéaste souhaitait emprunter de nouvelles avenues, moins radicales et moins marquées par le cinéma de genre, un peu à la manière des œuvres de la maturité de David Cronenberg, auquel il a maintes fois été comparé. Mais le moyen métrage expérimental et extrême Haze était venu clairement indiquer que le cinéaste n’avait pas du tout l’intention d’abandonner l’exploration du sordide et sa propension à agresser les sens du spectateur, caractéristiques récurrentes de ses oeuvres de jeunesse.

Nightmare Detective vient confirmer que le maître nippon du cyberpunk et du cauchemar industriel n’a rien perdu de sa verve traumatique. Avec cette oeuvre sauvage et glauque, il propose un thriller sanguinolent et cauchemardesque s’inscrivant en continuité avec la vague du J-Horror, avant de subvertir et de pulvériser ces conventions dans une deuxième partie aussi déroutante que fascinante, qui le voit plonger dans des territoires beaucoup plus personnels.

Tsukamoto se met de nouveau lui-même en scène, dans le rôle énigmatique et effrayant de O, un individu assassinant ses victimes en envahissant leurs rêves. Perplexe face à ce qui semble être une série de suicides inexplicables et particulièrement violents, une nouvelle inspectrice participant à l’enquête (la star pop Hitomi, correcte sans plus) tente de convaincre son supérieur (Ren Osugi, qui apporte un peu d’humour à un univers très noir) qu’un tueur est à l’œuvre. Face à leurs découvertes stupéfiantes, ils auront recours à un individu asocial et tourmenté (Ryuhei Matsuda, un peu figé), dont on dit qu’il possède le pouvoir d’entrer dans les rêves d’autrui, afin de traquer ce meurtrier aux méthodes surnaturelles. La confrontation sera pour le moins confondante.

Pour les spectateurs distraits, Nightmare Detective apparaîtra comme une simple variante du concept de A Nightmare on Elm Street, revisité sous l’angle du J-Horror. Fort heureusement, il n’en est rien, grâce au talent unique et à l’approche sans concession de l’auteur de Tetsuo. Si la première partie du film prend la forme d’un thriller horrifique relativement conventionnel, mais rehaussé d’une réalisation épileptique et effrénée dans la plus pure tradition Tsukamoto, c’est véritablement dans la seconde partie du film que l’on renoue avec le style inimitable du cinéaste, rehaussé de formidables séquences oniriques. Cette plongée surprenante dans l’inconscient des personnages réserve des moments de pure poésie noire, qui élèvent soudainement le film à un tout autre niveau, quasi abstrait. Ainsi, cet assaut effroyable se sera transformé en un délire visuel et sonore saisissant de virtuosité et riche en évocations.

Nightmare Detective est sans doute trop bizarre et expérimental pour le badaud qui recherche de simples frissons. À mi-chemin entre un film de genre et une véritable démarche d’auteur, Shinya Tsukamoto aura de nouveau déjoué les attentes du public. On annonce une suite à ce projet – souhaitons que celle-ci poursuive dans la direction empruntée par la deuxième partie du film.

16 juillet 2007

Fantasia 2007 : The Last Winter

Filed under: Cinéma américain, Fantasia 2007, Horreur — Marc-André @ 00:34
The Last Winter

The Last Winter

Figure essentielle du cinéma d’horreur indépendant américain des 15 dernières années, Larry Fessenden effectue un retour après une longue absence de cinq ans, avec un film d’une redoutable actualité. Si Wendigo, son opus précédent, avait brillamment exploré la mythologie amérindienne, The Last Winter aborde cette fois de manière explicite un genre connaissant une résurgence manifeste : l’horreur écologique.

Fidèle à son approche atmosphérique et symbolique, qui suggère davantage qu’elle ne montre, Fessenden explore cette fois nos craintes d’un dérèglement climatique et d’une apocalypse imminente avec ce thriller aux fortes inclinaisons environnementales. Le lieu de la démonstration ne saurait d’ailleurs être mieux choisi : campé en Alaska, le film raconte les mésaventures d’un groupe d’employés d’une compagnie pétrolière ayant établi campement à mille lieues de toute civilisation afin d’explorer de nouveaux potentiels de gisement de pétrole. Tiraillée entre l’autorité d’un responsable atteint d’un déni environnemental chronique et les découvertes alarmantes d’un chargé d’études environnementales ouvertement sensible aux menaces provoquées par le réchauffement climatique, l’équipe est soudainement aux prises avec d’étranges manifestations de paranoïa et de délire chez certains d’entre eux.

Solidement construit autour d’une métaphore environnementale et politique qui témoigne du parti pris manifeste de Fessenden,The Last Winter fait ouvertement référence à The Thing, de John Carpenter, dont il reproduit l’ambiance claustrophobique du huis clos campé de manière paradoxale au coeur de l’immensité des paysages arctiques. Contrairement à ce dernier, toutefois, Fessenden privilégie le mystère aux excès démonstratifs, et installe minutieusement une atmosphère de tension insaisissable qui exploite à merveille les thématiques soulevées. À mille lieues de la surenchère stylistique qui fait rage actuellement, Fessenden opte plutôt pour une approche minimaliste qui met l’accent sur le développement d’un climat et d’une intrigue qui installent progressivement un sentiment de terreur ne se manifestant véritablement qu’en toute fin de parcours.

On pourra reprocher au film certaines invraisemblances scénaristiques ainsi qu’une dernière partie qui verse de manière trop appuyée dans un surnaturel assez convenu, que le cinéaste avait judicieusement évité jusque-là. Malgré ces quelques scories, The Last Winter plaira assurément aux inconditionnels de la démarche du cinéaste, qu’il poursuit ici de manière inspirée. En ces temps d’obscurantisme et de dénégation des enjeux critiques de l’avenir de notre planète, Larry Fessenden illustre ici toute la pertinence et la nécessité d’un cinéma indépendant et critique, apte à faire écho à nos préoccupations environnementales et à nos angoisses face à l’avenir du genre humain.

9 juillet 2007

Fantasia 2007 : The Unseeable

Filed under: Cinéma thaïlandais, Fantasia 2007, Horreur — Marc-André @ 19:01
The Unseeable (Wisit Sasanatieng, Thaïlande, 2006)

The Unseeable (Wisit Sasanatieng, Thaïlande, 2006)

En l’espace de deux films – Tears of the Black Tiger et surtout Citizen Dog, mon film préféré de Fantasia 2006 – Wisit Sasanatieng a imposé une signature immédiatement reconnaissable, caractérisée par une direction artistique flamboyante et par l’utilisation excessive de couleurs vives, voire criardes, ainsi qu’un ton absolument irrésistible, à la fois humoristique et mélodramatique. C’est dire s’il a pris tout le monde par surprise en effectuant une totale rupture de style avec ce film glauque et tragique, ouvertement campé sous le registre du film d’épouvante conventionnel, et racontant les déboires d’une jeune femme enceinte à la recherche de son mari disparu et trouvant refuge dans un domaine lugubre appartenant à une mystérieuse et recluse propriétaire, où se produisent d’inquiétants phénomènes surnaturels. Face au déroulement prévisible de ce thriller horrifique qui reconduit toutes les conventions du genre, le cinéphile est en droit de se demander si l’un des chefs de file du renouveau du cinéma thaïlandais a perdu sa griffe en signant cette oeuvre qui a toutes les allures d’un film de commande. Qu’on se rassure, la réponse est non.

S’il n’a rien d’original, ce troisième long métrage de Sasanatieng est une réussite du genre et un brillant exercice de style qui démontre toute l’étendue de son talent. Fidèle à sa réputation, Sasanatieng offre une réalisation impeccable, mais en délaissant la dimension baroque de ses opus antérieurs. On admirera en particulier la qualité de la reconstitution historique et la richesse de la direction photo, qui travaille une palette de couleurs aux antipodes du déferlement coloré habituel du cinéaste. Ici, le sombre est de mise, et le rendu des teintes terreuses est splendide. La surprise provient également du classicisme de l’approche, ici marquée par un sens de la retenue qu’on ne lui connaissait pas, du moins dans sa première partie. Le scénario est également digne de mention : inspiré de légendes thaïlandaises, le récit se déploie de manière prévisible, jusqu’à son dénouement révélateur – que l’on taira ici, évidemment – et qui constitue un véritable modèle de réussite dans le genre. Aussi, le film démontre de bout en bout tout le respect de Sasanatieng envers les traditions de son pays, auxquelles il rend hommage tant par le style résolument rétro de la mise en scène que dans le récit, pur mélodrame dénué de distanciation ironique.

Certes, The Unseeable ne renouvelle en rien le genre, et sa dernière partie réserve le déferlement habituel de scènes horrifiques sensationnelles, ce qui pourra en décevoir certains. S’il est évident que ce film ne marquera pas aussi durablement la mémoire des cinéphiles que son inoubliable Citizen Dog, il démontre que Sasanatieng est un esthète doué qui sait aborder une variété de registres avec savoir-faire et élégance. Il nous tarde de voir dans quelle direction il se dirigera ensuite.

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