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14 septembre 2006

FNC 2006 : Les lumières du faubourg

Filed under: Cinéma finlandais, Festival du nouveau cinéma 2006 — Marc-André @ 00:41
Les lumières du faubourg

Les lumières du faubourg

Troisième volet de sa trilogie sur les paumés et les laissés-pour-compte de la société finlandaise, amorcée en 1996 avec Au loin s’en vont les nuages et poursuivie avec L’homme sans passé en 2002, Les Lumières du faubourg est la quintessence du style absurde et léthargique d’Aki Kaurismaki.

Un humour sec et distancié côtoie de nouveau un désespoir et un pessimisme quasi absolus dans cette fable amère sur la cupidité et la méchanceté humaines. Un film dont l’austérité et le dépouillement réclament une patience infinie – en dépit de sa courte durée – ainsi qu’une certaine familiarité avec l’univers du cinéaste, et qui plaira sans doute bien davantage aux initiés qu’aux néophytes.

Avec ce titre évoquant explicitement l’un des chefs-d’oeuvre de Charlie Chaplin (Les Lumières de la ville), Kaurismaki expose d’entrée de jeu les principaux thèmes de ce film cinglant et implacable : la tromperie, le mensonge et l’illusion. Son personnage principal, Koistinen, est un gardien de sécurité solitaire, qui mène une existence banale et terne. Il est pour tout dire un exclu, auquel personne ne s’intéresse, dont on oublie le nom ou qui est sujet de moqueries. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’une jolie blonde platine l’aborde et lui manifeste un grand intérêt. Notre nigaud, trop heureux d’être soudainement l’objet d’une attention qui a des allures trop suspectes pour être vraie, se réfugie dans l’illusion dérisoire d’un amour naissant. Mais la réalité de la manipulation de la jeune femme, acoquinée avec un criminel qui cherche à effectuer un vol de bijoux, le ramènera bientôt face à la cruelle vérité.

Ce Charlot moderne, aveuglé par l’amour et berné par l’exploitation, l’injustice et le mépris des hommes, deviendra une proie quasi consentante et résignée devant une machination aussi évidente que grossière. Fidèle à ses thématiques de prédilection, Kaurismaki livre ainsi de nouveau un portrait caustique d’une société où la bonté et les sentiments des âmes simples sont broyés par la mécanique froide et calculatrice de l’appât du gain et du pouvoir. Parabole pleine d’amertume et de noirceur, mais au ton aigre-doux, car le cinéaste fait preuve d’une empathie évidente envers son pauvre héros aux yeux de chien battu, tout en utilisant son arme de prédilection, un humour pince-sans-rire irrésistible.

En fin styliste, Kaurismaki nourrit son récit de motifs référentiels, en particulier du côté du film noir américain, auquel il emprunte le thème de la machination machiavélique ainsi que le personnage de la femme fatale, en installant une touche rétro, rock’n’roll et nostalgique qui accentue l’aspect théâtral et artificiel du récit. Le rythme est d’une lenteur excessive, le jeu des acteurs atteint des sommets d’inexpressivité et les plans, très composés, aux couleurs accentuées, évoqueront plus d’une fois le peintre Edward Hopper.

Le minimalisme et l’achèvement de la mise en scène sont indéniables, mais on ne suggérera pas aux non initiés de s’aventurer par cette porte au sein de la filmographie kaurismakienne, ici plutôt hermétique. On préférera plutôt commencer par des oeuvres plus accessibles et savoureuses, par exemple J’ai engagé un tueur ou L’Homme sans passé.

Sans être le meilleur film de son auteur, Les Lumières du faubourg ne risque pas de décevoir les inconditionnels, qui y trouveront amplement leur compte, malgré quelques redites.

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