Travelling Avant

15 octobre 2007

FNC 2007 : XXY

Filed under: Cinéma argentin, Festival du nouveau cinéma 2007 — Marc-André @ 12:19
XXY

XXY

Sujet audacieux et difficile pour le premier film de cette cinéaste argentine, et un pari dramatique entièrement réussi. XXY aborde un thème délicat et rarement abordé au cinéma : l’hermaphrodisme. Son personnage principal, magistralement interprété par la toute jeune Inés Efron, est une adolescente de quinze ans aux prises avec les affres de sa différence sexuelle. Mal dans sa peau, déchirée entre le masculin et le féminin, Alex est confrontée à sa marginalité et au difficile passage à la vie adulte. Ses angoisses et ses questionnements seront décuplés par la visite intéressée d’un couple d’amis de ses parents et de leur jeune fils. Un lien sexuel trouble s’établit entre les deux adolescents, et un enchaînement de situations forcera Alex, ainsi que ses parents, à faire face aux enjeux créés par sa condition physique particulière.

Partie de ce sujet brûlant et propice à tous les excès de pathos et de sensationnalisme entourant ce phénomène biologique inusité, la cinéaste Lucia Puenzo choisit plutôt la voie d’un drame psychologique tout en pudeur et en finesse, mais qui aborde sans détour la douleur, les peurs et l’indécision de son personnage principal, ainsi que le désarroi de son entourage. Son portrait est extrêmement touchant et d’une grande justesse émotive. La cinéaste a le courage d’incorporer des scènes dures et difficiles, qui laissent une place importante aux mouvements du désir et aux zones d’ombre provoquées par la condition insupportable d’Alex.

La mise en scène est stylisée et raffinée, mais sans excès, laissant toute la place au jeu impeccable des acteurs, en particulier Ricardo Darin (The Aura), excellent comme toujours dans le rôle du père, et Inés Efron, véritable révélation, dont la composition androgyne, tourmentée, sensuelle et bouillonnante est rien de moins que fantastique. Seule la musique, quelque peu mièvre pour un sujet aussi grave, fait tache dans cette première oeuvre extrêmement sensible et juste, qui représentera l’Argentine dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger. Une très belle découverte et une autre confirmation de la force du cinéma argentin.

11 octobre 2007

FNC 2007 : La Antena

Filed under: Cinéma argentin, Fantasia 2008, Festival du nouveau cinéma 2007 — Marc-André @ 19:09
La Antena

La Antena

Fort singulière expérience cinématographique que ce film argentin en noir et blanc qui rend un hommage inspiré au cinéma muet, et plus particulièrement à l’expressionnisme allemand. Plusieurs trouvailles visuelles brillantes parsèment ce récit plutôt schématique qui prend la forme d’une allégorie dénonçant la dictature de l’image et la menace de la pensée unique qui pèsent sur nos sociétés.

Le scénario de La Antena, du cinéaste argentin Esteban Sapir, est campé dans une « ville sans voix » imaginaire et enneigée, où les habitants ont perdu l’usage de la parole et vivent sous l’emprise des images et de la nourriture d’un sombre individu nommé Mr. TV, qui monopolise les ondes télé tout en contrôlant l’imaginaire de la population. Mr. TV a des visées encore plus totalitaires, et l’instrument de son plan diabolique sera une ravissante chanteuse – l’une des dernières personnes à posséder l’usage de la parole, avec son jeune fils aveugle. Un réparateur de télévisions découvre la machination et tentera de le contrecarrer.

Dans la lignée de Brazil et de Metropolis mais en plus modeste, La Antena déploie un univers fantastique qui sert à illustrer une parabole limpide mais efficace qui dénonce les tentatives de museler la liberté d’expression ainsi que la tyrannie du pouvoir politique. Des idées nobles et nécessaires, admirablement desservies par un imaginaire foisonnant et un par remarquable travail d’artisan, qui déploie une très belle ingéniosité visuelle.

Malheureusement, après une première partie fascinante, le concept se révèle quelque peu court. À 90 minutes, le film apparaît trop long, l’inventivité indéniable de l’univers de Sapir s’essoufflant légèrement en cours de route, faute d’un scénario suffisamment étoffé pour l’appuyer. Très mélancolique, le film manque également d’une certaine verve en regard des expériences assez similaires de Guy Maddin. Ce dernier pousse le délire beaucoup plus loin dans la recréation du cinéma muet et la perpétuation de l’héritage du surréalisme.

Ces quelques réserves mises à part, La Antena demeure un objet cinématographique non identifié très original, et il offre une délicieuse imagerie surréaliste qui ravira les amateurs d’abstraction filmique et de nostalgie cinéphile appuyée. La direction artistique est particulièrement impressionnante, le cinéaste ayant fait des merveilles avec très peu de moyens. L’usage des phylactères est inédit – les paroles flottent littéralement au-dessus des personnages et se déplacent avec eux – et en parfait accord avec le sujet du film. L’usage de la musique et la superbe composition photo en noir et blanc rendent un hommage somptueux aux classiques de l’expressionnisme.

Prenant l’allure d’un conte empreint de naïveté et de candeur, cet essai témoigne d’un amour inconditionnel pour le cinéma muet. Un projet unique et passionnant, malgré ses imperfections.

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