Travelling Avant

3 octobre 2009

FNC 2009 : Amer

Filed under: Cinéma belge, Cinéma français, Festival du nouveau cinéma 2009 — Marc-André @ 16:12
Amer

Amer

Je me souviens d’une époque – hélas, manifestement révolue – où la seule vue d’une affiche de cinéma était suffisante afin de provoquer un désir et une curiosité irrépressibles envers un film. J’ai retrouvé cette naïveté cinéphile en découvrant la très belle affiche d’Amer, premier long métrage du tandem d’Hélène Cattet et Bruno Forzani, que l’on présente comme un exercice de style portant sur le giallo.

Le réalisateur et la réalisatrice d’Amer avaient déjà attiré l’attention avec leurs courts métrages expérimentaux La chambre jaune (que l’on peut voir sur le DVD Small Gauge Trauma, de Fantasia) et La fin de notre amour. Cette fois, ils rendent hommage au polar macabre à l’italienne, un genre qui leur sied à ravir.

On pourra découvrir le film en première nord-américaine au Festival du nouveau cinéma, en présence des réalisateurs, le jeudi 15 octobre à 20 h 30, à la Cinémathèque québécoise, et le samedi 17 octobre à 15 h 15, à la salle Fellini du complexe eXcentris. Une première bande annonce – parlons plutôt d’une aguiche, de quelques secondes – a d’ailleurs été dévoilée sur Twitch (lien).

Amer est l’un des nombreux objets cinématographiques non identifiés à ne pas manquer dans la section « Temps ø », devenue la zone festivalière de prédilection pour les cinéphiles aventureux. Avec une sélection étourdissante de 17 longs métrages, dont les plus récentes oeuvres de Bong Joon-ho, Harmony Korine, Brillante Mendoza, Györgi Palfi, George A. Romero, Toshiaki Toyoda et Koji Wakamatsu, la cuvée s’annonce de très, très haute tenue.

16 août 2009

Gomorra et Un conte de Noël ajoutés au catalogue de Criterion

Filed under: Cinéma français, Cinéma italien, Criterion — Marc-André @ 17:26
Gomorrah fait son entrée dans la collection Criterion

Gomorrah fait son entrée dans la collection Criterion

Tout cinéphile un tant soit peu sérieux guette les sorties de Criterion avec une attention soutenue, voire même quelques élans pavloviens. C’est connu, ce distributeur effectue un travail absolument essentiel et exceptionnel en matière de cinéma de répertoire, tant sur le plan de la sélection des titres – leur catalogue est une véritable cinémathèque – que du soin accordé aux oeuvres et au matériel d’accompagnement.

Les premières sorties de l’automne ont été annoncées, et comme à l’habitude, il y a de quoi se réjouir… et faire mal à son budget. En plus des parutions très attendues de The Human Condition – gigantesque épopée nipponne de Masaki Kobayashi – et de Les Ailes du désir, de Wim Wenders, prévues respectivement les 8 septembre et 20 octobre, voilà que deux titres européens récents viennent d’être confirmés.

D’abord, Un conte de Noël, d’Arnaud Desplechin, présent dans de nombreuses listes des meilleurs films de l’année en 2008, aura droit à un traitement aux petits oignons de la part de Criterion. Il paraîtra sous le titre de A Christmas Tale, dans une édition comprenant un documentaire avec le cinéaste, Mathieu Amalric et Catherine Deneuve, ainsi que l’intégralité du long métrage documentaire L’aimée, réalisé par Desplechin en 2007. Sortie prévue le 10 novembre (DVD et Blu-Ray).

Ensuite, Gomorra est également ajouté à la prestigieuse collection, sous la graphie anglo-saxonne de Gomorrah. Le film de Matteo Garrone est une fascinante exploration des activités clandestines de la Camorra, la mafia napolitaine, captées dans l’urgence et avec un grand souci de réalisme. Une oeuvre dense, brillante et incontournable, proposant une remarquable analyse de l’impact des activités criminelles sur le tissu social italien, et que je recommande vivement. Le film sera accompagné d’un documentaire de soixante minutes ainsi que d’entretiens avec le réalisateur, l’auteur du livre dont le film est issu et quelques acteurs, ainsi que de scènes coupées au montage. Sortie prévue le 24 novembre (DVD et Blu-Ray).

Descriptif de A Christmas Tale sur le site de Criterion

Descriptif de Gomorrah sur le site de Criterion

23 juillet 2009

Fantasia 2009 : Black

Filed under: Action, Cinéma français, Fantasia 2009 — Marc-André @ 17:46
Black

Black (Distribution : Evokative)

L’Afrique ou le fric? Pour Black, un cambrioleur qui n’a pas froid aux yeux, le continent africain rime avec pognon, flingue bien en main, le temps d’un épisode Paris-Dakar qu’on dirait tout droit sorti d’un pulp novel ayant bizarrement décanté sous effluves psychotropes. Pour le spectateur avide de sensations fortes qui cherche un bon moment ludique, exotique et sans prétention, ce film d’action inventif et bien foutu, rappelant par moments le cinéma de blaxploitation, est du pur bonbon asséné avec un plaisir contagieux.

Après une ouverture en forme de bracage pour le moins mouvementé à Paris, notre anti-héros reçoit un coup de fil d’un cousin sénégalais. Celui-ci lui refile un tuyau en or, ou plutôt, en diamant : une montagne de ces pierres précieuses n’attend qu’à être cueillie dans un coffret de sécurité. À Dakar. L’appât du gain le mène donc au Sénégal, mais le périple ne sera pas de tout repos, loin s’en faut. Un joyeux cocktail d’aventures attend Black, avec son lot de bastonnades et de fusillades, mais aussi un cas inquiétant de psoriasis, un super agent d’Interpol, un méchant colonel Russe machiavélique et sa bande de brutes, des serpents, des rites tribaux et des poursuites haletantes à n’en plus finir.

Le film de Pierre Laffargue s’amorce sur une version irrésistiblement funky d’Ainsi parlait Zarathoustra, avec de superbes vues aériennes de Paris et un style très années soixante-dix. Un début qui met l’eau à la bouche. La suite sera de la même eau, avec des scènes d’action mouvementées, des péripéties rocambolesques, un humour qui fait flèche de tout bois, une trame sonore groovy au possible et une esthétique inspirée des belles années du cinéma d’exploitation. Tous les ingrédients pour une joyeuse randonnée décomplexée, avec des personnages hauts en couleur, interprétés par une brochette d’acteurs sympathiques, et un récit qui bénéficie grandement de l’exotisme des lieux. La dernière partie réserve même quelques surprises, avec une virée hallucinogène qui emprunte des détours symboliques étonnants.

Black est l’une des plus récentes acquisitions d’Evokative, un distributeur que j’appuie inconditionnellement. Prenez note que le film sort en salles, à Montréal, le vendredi 31 juillet. Un antidote parfait contre les films d’action télégraphiés.

22 juillet 2009

Fantasia 2009 : 8th Wonderland

Filed under: Cinéma français, Fantasia 2009, Science-fiction — Marc-André @ 18:16
8th Wonderland

8th Wonderland

Dans un proche avenir, une communauté d’individus se regroupe en ligne de manière à créer le premier pays virtuel, nommé 8th Wonderland. Il est formé de gens disséminés à travers le monde qui se retrouvent sur un portail interactif afin de discuter de la situation politique et économique internationale. Mais cette structure inédite et ces élans d’utopie débordent largement les cadres d’un simple forum de discussion. Ses participants veulent changer l’ordre des choses. Ils prennent des décisions, élisent un représentant et agissent concrètement afin de perturber les pouvoirs traditionnels, au moyen de coups d’éclat surprenants qui visent à faire contrepoids à la logique néolibérale. De fil en aiguille, 8th Wonderland attire l’attention de la planète, mais ce nouveau rassemblement constitue-t-il une avancée progressiste, une nouvelle forme de démocratie ou plutôt une menace terroriste?

Ce sera au spectateur de trancher, devant un film très original qui aborde à la fois des enjeux sociaux de grande importance ainsi que les nouvelles formes de communication à l’ère du Web 2.0. Tout cela avec de la verve, beaucoup d’humour et une réjouissante dimension polémique.

8th Wonderland a de l’ambition à revendre, et il relève avec brio le défi plutôt casse-cou de représenter les interactions virtuelles de manière dynamique, en tant que moteur de fiction cinématographique. Une telle démarche risquait l’ennui et la mise à plat d’un univers multidimensionnel, des écueils évités presque complètement dans cette production certes verbeuse mais passionnante.

Le duo de réalisateurs français Nicolas Alberny et Jean Mach parvient, avec très peu de moyens, à donner vie à cet univers qui contamine littéralement la trame narrative du récit. Celui-ci emprunte une structure complexe qui abandonne la linéarité, au profit d’aléas vertigineux reproduisant brillamment la logique de la navigation hypertextuelle. Il en résulte un film touffu et exigeant, difficile à suivre par moments, et qui aborde de plein fouet des problématiques on ne peut plus actuelles. L’oeuvre est surchargée d’idées, de trouvailles et de clins d’oeil adressés à une panoplie d’enjeux sociaux jusqu’à l’épuisement et la saturation, mais on a indéniablement affaire à un travail colossal de réflexion et d’anticipation. Je ne crois pas me tromper en affirmant qu’on n’a jamais vu un film de science-fiction de ce type, cérébral mais ludique, à la fois exploratoire et divertissant, enjoué mais préoccupé par les dérives de notre époque.

8th Wonderland est très certainement un sérieux candidat au titre de film le plus innovateur de cette édition. Le public a d’ailleurs réservé un excellent accueil à cette oeuvre atypique, novatrice et confondante.

18 juillet 2009

Fantasia 2009 : Les Lascars

Filed under: Animation, Cinéma français, Fantasia 2009 — Marc-André @ 14:41
Les Lascars

Les Lascars

Et voilà qu’un ajout de dernière minute à la substantielle programmation de Fantasia 2009 se révèle être l’une de ses plus belles surprises. L’animation française Les Lascars a littéralement conquis le public présent à la première internationale du film, donnant un excellent coup d’envoi à la deuxième fin de semaine de cette treizième édition.

N’étant pas très porté sur le médium télé, je dois avouer que j’ignorais l’existence même du concept initial des Lascars, jusqu’à ce que j’entende parler de ce passage au long métrage, ma foi entièrement réussi. À l’origine, il s’agissait de capsules télévisuelles de quelques minutes, diffusées sur Canal Plus, et campées dans la banlieue parisienne, caricaturée de manière truculente, avec sa faune pittoresque et un feu roulant de dialogues imagés sur fond de musique hip hop. Transposé de manière ambititieuse au grand écran, le concept des Lascars forme un univers à part entière, avec des personnages bien développés et typés à la perfection, un feu roulant de situations abracadabrantes et des qualités d’écriture évidentes. C’est à ce niveau que le film impressionne le plus, avec des dialogues argotiques absolument irrésistibles et un scénario inventif, truffé d’action et de revirements, qui maintient un rythme d’enfer du début à la fin.

Les Lascars mise également sur de solides atouts techniques : un dessin imaginatif, aux traits urbains riches et distinctifs, une excellente trame sonore en parfaite symbiose avec l’animation et d’impeccables performance vocales, notamment celle de Vincent Cassel, irrésistible dans le rôle de Tony Merguez.

À tous les niveaux, Les Lascars déménage, surprend, conquiert et ravit. Amateurs d’animation, prenez note. Vivement une distribution en sol québécois.

3 juillet 2009

L’animation française Les Lascars ajoutée à la programmation de Fantasia 2009

Filed under: Animation, Cinéma français, Fantasia 2009 — Marc-André @ 21:12
Les Lascars

Les Lascars

Le jour même de la mise en vente de son splendide Programme officiel pour la cuvée 2009, Fantasia annonce un ajout de dernière minute à sa programmation, et non des moindres.

L’animation française Les Lascars, présentée à Cannes et sortie en salles en France il y a quelques semaines à peine, se fraie un chemin parmi les 115 longs métrages qui figurent au menu cette année.

On sera curieux de voir où se situent les Français en matière d’animation, d’autant plus que celle-ci lorgne du côté de la comédie sociale campée en pleine cité rythmée aux sons du hip hop. L’accueil critique, dans l’ensemble fort positif, laisse promettre un sacré bon moment, et Vincent Cassel prête sa voix à l’un des personnages principaux.

À vos agendas : une seule projection, le vendredi 17 juillet, à 19 heures, au Théâtre Hall, notre nouveau lieu de résidence au cours des prochaines semaines. (Voir le site officiel, avec bande annonce)

9 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 7 : Peur(s) du noir, Idiots and Angels, The Most Beautiful Night in the World

Carnets Fantasia 2008 : 9 juillet

Voilà une semaine que Fantasia bat son plein, et pas l’ombre d’une petite fatigue en vue, malgré les projections qui s’accumulent à une vitesse effarante – plus d’une vingtaine, déjà, pour votre humble serviteur. Et ça ne fait que commencer. La rétine accumule les images chocs, le cerveau s’imprègne d’univers insensés qui valsent et qui s’entremêlent, bref, c’est la joie totale, tout cela en bonne compagnie. Car Fantasia, ce n’est pas seulement une sélection hallucinante de films triés sur le volet, c’est aussi un moment unique à partager entre amis, dans une ambiance festive, conviviale et hautement agréable. Les salles sont pleines, et la cuvée 2008 compte déjà plusieurs moments forts et quelques films mémorables.

Peur(s) du noir (France, 2007)

Peur(s) du noir (France, 2007)

Chaque journée offre son lot de surprises et de riches expériences cinéphiles, mais ce mercredi est tout simplement éblouissant. J’amorce la journée avec l’une des sélections les plus attendues de la série « Animated Auteur Visions » : Peur(s) du noir, une anthologie macabre provenant de l’Hexagone. Et quel délice que cette concoction de fantastique et d’étrange, sans conteste l’une des plus merveilleuses révélations du festival jusqu’à maintenant.

Composée de quatre sketches principaux entrecoupés de deux intermèdes faisant le pont entre les récits, l’un réflexif et intellectuel, l’autre viscéral et morbide, cette oeuvre fascine et éblouit du début à la fin. Les films à sketches sont souvent inégaux, mais Peur(s) du noir évite admirablement cet écueil en soignant l’atmosphère, riche et prenante, et en exploitant à merveille le motif du noir, tant sur le plan visuel que thématique. L’ensemble est absolument admirable au niveau artistique, et trouve un fabuleux appui avec la collaboration des Arthur H, Guillaume Depardieu et Nicole Garcia à la narration. Chacune des six créations vaut le détour, propose un monde singulier et soulève notre admiration sur le plan graphique. Amateurs d’animation et d’histoires fantastiques à la Maupassant et Edgar Allan Poe, prenez note. Coup de coeur.

Idiots and Angels (Bill Plympton, États-Unis, 2008)

Idiots and Angels (Bill Plympton, États-Unis, 2008)

La séance suivante établit une belle continuité et nous comble de nouveau. Bill Plympton est en ville afin de présenter son petit dernier, et ceux qui, comme moi, ont eu la chance de voir I Married a Strange Person, Hair High et plusieurs de ses courts métrages au cours des années à Fantasia, savent que ce brillant dessinateur est une figure incontournable du cinéma d’animation, avec qui il fait toujours bon de renouer.

Cette fois, il nous présente Idiots and Angels, et si l’on reconnaît immédiatement le style inimitable de Bill Plympton, on constate que la rumeur est fondée : on peut parler d’un changement de registre significatif. Sans qu’il y ait rupture avec ses projets antérieurs, le propos est plus sombre, la dimension dramatique accentuée et les résonances sociales plus évidentes. Voilà sans nul doute son projet le plus poétique, qui raconte la transformation d’un salaud dont la vie est bouleversée lorsqu’il découvre que des ailes poussent inexplicablement dans son dos. Ce point de départ surréaliste permet à Plympton de composer un récit fantasque et ludique truffé de résonances symboliques. Ce faisant, il réduit la dimension grotesque de ses oeuvres antérieures – elle est encore là, ne vous en faites pas – pour mieux aborder de nouveaux rivages qui collent à merveille avec son style, qui n’aura jamais apparu aussi personnel. En plus d’être un accomplissement indéniable sur le plan artistique, Idiots and Angels constitue un sommet pour cet animateur hors pair. Souhaitons que ce très beau film lui ouvre la voie d’une plus grande reconnaissance, qu’il mérite grandement.

The Most Beautiful Night in the World (Daisuke Tengan, Japon, 2008)

The Most Beautiful Night in the World (Daisuke Tengan, Japon, 2008)

La barre est haute pour la dernière projection de la journée, après deux films aussi superbes et achevés. Place à un film japonais de 160 minutes : The Most Beautiful Night in the World. Ça risque d’être long? Pas du tout. Son réalisateur est Daisuke Tengan, fils du grand Shohei Imamura, et scénariste de l’inoubliable Audition. Le film promet sur papier – il est question des secrets que cache le village qui compte le plus haut taux de natalité au Japon – mais on ne s’attendait certainement pas à une claque aussi monumentale et jubilatoire.

Sur les traces subversives de son père, ce digne héritier d’Imamura nous propose une fable complètement délirante qui s’achève dans une apothéose sexuelle baroque faisant exulter les spectateurs présents. Le film s’amorce lentement, installe bien l’atmosphère et ses personnages, avant de nous propulser dans une quatrième dimension jouissive où le réalisme magique et un érotisme débridé occupent une place prépondérante.

Avec son propos social éclairé, son humour dévastateur et son savoureux message libertaire, Tengan compose une fresque iconoclaste qui brasse joyeusement le conservatisme nippon, avec une égale dose de provocation bien dosée et de comédie folichonne. Une pépite cinématographique remarquable qui ne ressemble à rien d’autre, sinon aux derniers films de son regretté père, dont il reprend ici le flambeau avec une assurance et un culot impressionnants. Voilà l’un des joyaux cachés de cette douzième édition. Coup de coeur et très forte recommandation, qui achève cette journée en apothéose!

17 novembre 2007

Naissance des pieuvres

Filed under: Cinéma français — Marc-André @ 00:47
Naissance des pieuvres

Naissance des pieuvres

Elles sont trois adolescentes de quinze ans. Plus tout à fait gamines, pas encore adultes. Il y a d’abord Marie (Pauline Acquart). Maigrichonne et d’une timidité presque maladive, elle est néanmoins portée par une curiosité sans bornes, qui la pousse à arpenter la piscine publique, surtout lors des concours de nage synchronisée. Son intérêt pour ce sport dissimule en fait d’autres préoccupations. Son regard fasciné se porte plus particulièrement sur Floriane (Adèle Hanel), meneuse de son équipe et allumeuse qui reluque les garçons. Les deux jeunes filles développent une étrange relation, tandis que Anne (Louise Blachère), l’amie boulotte et juvénile de Marie, cherche désespérément à faire de l’oeil à un garçon. Ainsi naîtront le désir, les balbutiements maladroits de l’amour et l’éveil sexuel, tant hétérosexuels qu’homosexuels, le temps d’un été passé aux abords de la piscine.

Pour son premier long métrage, Céline Sciamma a choisi d’aborder un thème largement exploité au cinéma : le passage à l’âge adulte. Ce qui n’empêche pas son portrait de l’adolescence féminine d’être d’une originalité et d’une sensibilité stupéfiantes. On aura rarement vu un film aborder aussi franchement la sexualité féminine à l’âge ingrat, sans le moindre sentimentalisme, et avec une admirable justesse. Dès l’ouverture, la cinéaste installe un climat de sensualité trouble, avec de magnifiques images des ballets aquatiques effectués par ces jeunes nageuses. Splendide métaphore évoquant la condition féminine moderne, où la volonté de plaire, d’impressionner et d’être belle apparaissent en surface, au prix d’un effort repérable lorsque la caméra glisse sous l’eau. Sciamma filme également leur travail infatigable et leurs préparatifs minutieux, de manière à la fois quasi documentaire et lyrique, sur fond de nappes de claviers envoûtantes, notes minimalistes qui sont évocatrices des enjeux émotifs et érotiques qui sont à l’oeuvre, et qui ne sont pas sans rappeler la musique de Air dans Virgin Suicides.

Naissance des pieuvres porte d’ailleurs des réminiscences de l’univers énigmatique du premier film de Sofia Coppola, duquel il se rapproche. Mais Céline Sciamma possède déjà une signature cinématographique bien à elle. La mise en scène est d’une précision clinique remarquable, expressive mais dénuée d’effets inutiles et sans jamais forcer la note, toujours d’une rigueur impressionnante. Refusant les clichés d’usage et la mièvrerie sentimentale, la cinéaste esquisse brillamment le désordre affectif qui accompagne les premiers émois de son trio de jeunes filles, avec toute la complexité des sentiments qui les entourent : la jalousie, la honte, la colère, le sentiment de rejet et l’envie. Très charnel, impudique même par moments, le film expose sans ambages les hésitations devant les premières expériences sexuelles, sans la moindre complaisance, avec un mélange d’ingénuité et de malaise d’une grande crédibilité. On saluera également la direction d’acteurs. Les trois jeunes comédiennes sont excellentes, en particulier Pauline Acquart, exceptionnelle dans le rôle principal.

Poétique, fascinant et réussi de bout en bout, Naissance des pieuvres marque l’arrivée d’une cinéaste de talent. Voilà un film très singulier et personnel, à ne pas manquer.

21 octobre 2007

FNC 2007 : L’avocat de la terreur

Filed under: Cinéma français, Documentaire, Festival du nouveau cinéma 2007 — Marc-André @ 19:24
L'avocat de la terreur

L'avocat de la terreur

Le plus récent film de Barbet Schroeder est un portrait complexe et absolument fascinant de l’avocat Jacques Vergès, personnage hautement controversé qui a joué un rôle déterminant dans plusieurs des procès les plus importants et médiatisés des quatre dernières décennies sur le plan international. De toute évidence fasciné par ce personnage charmeur mais dont les zones d’ombre et les prises de position douteuses sur le plan politique ont de quoi rendre sérieusement perplexe, Barbet Schroeder signe un documentaire génial, inspiré et vertigineux, mais qui nous laisse devant un nombre incroyable de questions, de doutes et de pistes abandonnées en cours de route. Et il est facile de comprendre pourquoi : son sujet est bien vivant, et il a manifestement trempé dans des histoires qui ne sentent vraiment pas très bon.

Car le parcours professionnel de Jacques Vergès, fait de coups de théâtre médiatiques et de prise de position déstabilisantes, ne fait rien pour nous réconcilier avec les nobles idéaux de la justice et de la loi. Après avoir établi sa réputation et sa notoriété au cours des années soixante, en défendant – puis en mariant – une des figures les plus emblématiques du mouvement de la libération algérienne, la terroriste Djamila Bouhired, Vergès aura connu un parcours juridique fortement teinté d’allégeances politiques radicales qui l’associent tantôt au communisme et à l’anticolonialisme, dont il devient une figure de proue, avant de bifurquer vers l’antisémitisme, les mouvements de libération de la Palestine, les débuts du terrorisme islamiste, le néonazisme et on en passe.

Un chemin sinueux, marqué par une disparition mystérieuse de huit ans au cours des années soixante-dix, restée inexpliquée même par le principal intéressé (on croit qu’il aurait séjourné au Cambodge et au Moyen-Orient, mais rien n’est vraiment sûr). Vergès navigue de l’extrême gauche à l’extrême droite, et s’acoquine avec des groupes terroristes arabes, des sympathisants nazis et mêmes les khmers rouges et le régime génocidaire cambodgien de Pol Pot. Un baril de poudre politique ahurissant sur lequel repose le sourire frondeur et impénétrable de cet être provocateur, mystificateur charismatique, fin stratège et insidieux renard qui demeure une énigme de bout en bout, se réclamant de Diderot et défendant Klaus Barbie du même souffle, sans même broncher.

Rigoureusement mené – le déroulement et la construction de ce documentaire sont absolument prodigieux et exemplaires – fourmillant de renseignements parfois contradictoires, de pistes intrigantes, de témoignages stupéfiants et de faits qui viennent se contredire et se compléter à l’infini, L’Avocat de la terreur nous passionne tout autant qu’il nous laisse dans un état de profonde frustration. On ne peut qu’être ébloui par le film et par l’abondante matière qui est évoquée avec maestria – plusieurs des enjeux les plus importants de la deuxième partie du vingtième siècle se déroulent à une vitesse fulgurante sous nos yeux. Mais on aurait évidemment souhaité que le cinéaste creuse davantage les dimensions problématiques du personnage – elles sont nombreuses, évidentes et extrêmement inquiétantes, mais elles ne sont qu’évoquées, bien qu’elles soient éloquentes – notamment ses visites secrètes en ex-RDA, documentées par la Stasi allemande, et en Hongrie communiste. On sent que Barbet Schroeder se garde bien de véritablement dénoncer ou de porter un jugement définitif sur Vergès.

Aussi, il n’égratigne qu’en surface ce manipulateur de première envergure, le laissant distiller son oeuvre de séduction empoisonnée. Son arrogance indomptable jette continuellement de la poudre aux yeux afin de mieux cacher l’horreur de ses implications indéfendables avec les Klaus Barbie, Slobodan Milosevic et le négationniste Roger Garaudy – on évoque à peine le premier et on ne parle même pas des deux autres, alors qu’il y a là des faits accablants qui pèsent lourdement dans la balance.

Mais voilà sans doute de la matière beaucoup trop explosive pour un film qui en dévoile déjà beaucoup. Et c’est peut-être justement là le génie du cinéaste, qui montre suffisamment de faits accablants et qui expose la nébulosité indiscernable des propos du personnage afin de mieux mettre en valeur son aspect trouble et ignoble, sans en rajouter dans la dénonciation. Vergès y va ainsi de ses commentaires totalement évasifs de dandy rayonnant et imperturbable qui passe sous un silence odieux les pires affinités et mensonges, tandis que ses relations douteuses avec des criminels notoires sont justifiées au nom du droit à la défense. Schroeder se permet tout de même, dans un contrepoids heureux et nécessaire, de souligner sa complicité avec le terroriste Carlos et le sympathisant nazi François Genoud, ce qui a de quoi donner froid dans le dos.

Documentaire marquant et essentiel monté comme un thriller au suspense palpitant, L’Avocat de la terreur porte très bien son titre, tandis que son sujet se dérobe sous nos yeux, le temps d’une démonstration époustouflante qui déploie un vaste écran de fumée témoignant des horreurs du vingtième siècle. Un film essentiel et dérangeant, à voir sans faute.

20 octobre 2007

FNC 2007 : La France

La France

La France

Un titre extrêmement prétentieux pour le lauréat du prix Jean-Vigo 2007. Cette improbable évocation de la Première Guerre mondiale nous fait suivre le chemin d’une jeune femme (Sylvie Testud) qui se déguise en homme et qui se joint à un régiment parcourant la campagne française afin de retrouver son mari parti au front.

Souhaitant manifestement apporter un peu de fraîcheur et d’originalité au genre très codifié du film de guerre, le critique de cinéma et réalisateur Serge Bozon a privilégié une approche à la fois lyrique et âpre, où une reconstitution minimaliste et sèche mais très littéraire de la vie de soldat est ponctuée de numéros musicaux inattendus. Le résultat est une sorte d’élégie pacifiste saluant la dignité humaine.

Très efficace sur le plan de la mise en scène, forte de nombreux plans superbes, le film est malheureusement plombé par son style affecté et très agaçant. La coquetterie du prétexte scénaristique manque de crédibilité : on ne croit pas une seule seconde que ces gens sont des soldats, et encore moins au subterfuge de cette femme déguisée. Le jeu des acteurs, distancié et inexpressif, est un autre irritant majeur – on n’aura jamais vu un Pascal Greggory aussi terne et éteint. Les passages chantés sont d’un ridicule consommé – on a droit à une version désagréable et ronflante des Beach Boys s’en vont en guerre, sur fond de bric-à-brac folklorique mâtiné de pop british mal assimilée. Certes, l’approche est plus poétique que réaliste, mais elle ne justifie pas de telles boursouflures maniérées et maladroites.

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