Travelling Avant

3 février 2008

Secret Sunshine

Filed under: Cinéma sud-coréen, Drame — Marc-André @ 00:58
Secret Sunshine

Secret Sunshine

Cinq ans après l’inoubliable Oasis, le magnifique et très attendu quatrième film de Lee Chang-Dong aura surtout fait parler de lui en raison d’une performance d’actrice renversante, qui a fait tourner toutes les têtes et avec raison.

Judicieusement récompensée de la palme de la meilleure actrice lors du festival de Cannes, Jeon Do-yeon habite de toutes les pores de sa peau le personnage de Shin-ae, pivot central de Secret Sunshine. Ayant déjà été remarquée notamment dans You are my Sunshine et The Untold Scandal, qui lui ont valu la réputation d’être une interprète prometteuse aux multiples talents, Jeon mène son jeu jusqu’à la stratosphère avec ce rôle difficile, fait de perpétuels déchirements, de revirements psychologiques et d’explosions lacrymales. Tout en sueur, en rage et en larmes, son portrait de femme ravagée par le destin laisse le souffle coupé, tant son interprétation, menée au bord de la transe, est bouleversante.

Un peu plus et le brio incontestable de cette performance à tout casser risquerait porter ombrage aux autres qualités – nombreuses, immenses – du meilleur film sud-coréen de l’année : un scénario d’une richesse déroutante, basculant du drame social au thriller sans crier gare, fait de multiples cassures inattendues; une mise en scène sobre, presque effacée, mais nerveuse et inspirée; et des thématiques denses et difficiles – la spiritualité, le travail de deuil, la culpabilité, la rédemption, la résilience – abordées avec une intelligence exceptionnelle.

Secret Sunshine marque ainsi le très grand retour de Lee Chang-dong à la réalisation, après deux années passées à titre de ministre de la Culture de la Corée du Sud. Ce nouveau passage derrière la caméra s’effectue, d’une certaine manière, en rupture avec ses oeuvres antérieures, plus audacieuses sur le plan stylistique, du moins au premier regard. Mais la simplicité apparente de la mise en scène, toute entière au service d’un récit qui réserve de nombreuses surprises, dissimule une complexité retorse que révèle progressivement la succession d’événements.

On admirera également l’audace de Lee sur le plan moral. Celui-ci se permet de questionner des valeurs comme la foi et le pardon, tout en brossant un portrait surprenant de la communauté protestante sud-coréenne, observée avec une distance critique qui se permet d’écorcher au passage le fanatisme et le prosélytisme religieux. Mais Lee Chang-Dong évite soigneusement de glisser dans la simple dénonciation. Son portrait est empreint d’un sens du réalisme et d’une justesse ressentis même lors des scènes paroxystiques qui font bondir et bifurquer l’histoire du côté du mélodrame ou du suspense. Aux côtés d’une actrice fulgurante et emportée, qui s’empare de chaque scène où elle est présente, le toujours remarquable Song Kang-ho excelle dans un rôle secondaire modeste où il déploie une retenue et un registre qu’on lui connaît peu. Il signe pourtant là l’un des meilleurs et plus nuancés rôles de sa carrière, aux antipodes de ses prestations plus flamboyantes, mais avec une candeur et une bonhomie désarmantes.

Tour à tour social, spirituel et viscéral, Secret Sunshine sonde avec une profondeur admirable les aléas de la douleur et la détresse d’une âme que la vie semble avoir abandonné à son sort. Son combat nous brise le coeur, puis vient nous éblouir, comme un rayon de lumière surgissant parmi les ténèbres. Voilà un personnage féminin que nous ne sommes pas prêts d’oublier.

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