Travelling Avant

28 octobre 2006

FNC 2006 : Linda Linda Linda

Filed under: Cinéma japonais, Festival du nouveau cinéma 2006 — Marc-André @ 20:11
Linda Linda Linda

Linda Linda Linda

Film modeste, rafraîchissant et dénué de prétention,  Linda Linda Linda offre un pur moment de bonheur. L’histoire est rudimentaire et s’avère, en bout de ligne, bien peu importante. Le récit relate la formation d’un groupe rock, par trois jeunes adolescentes japonaises et une étudiante coréenne. Celles-ci n’ont que quelques jours pour se pratiquer, car elles souhaitent donner un concert lors d’une fête scolaire. En une succession de scènes à l’apparence banale, où les événements sont quasi inexistants, le cinéaste Nobuhiro Yamashita part de cette idée convenue et offre un délicieux et surprenant portrait de l’adolescence nipponne, marqué d’un humour légèrement décalé et d’une douce nostalgie envahissante.

La réussite de cette œuvre attachante repose sur deux éléments. En premier lieu, sur l’aptitude admirable du cinéaste à capter l’essence même du fait d’être adolescent. Cette nonchalance alanguie est rendue avec une rare justesse à l’écran. On assiste ainsi avec attendrissement aux flâneries paresseuses de ces jeunes filles, à la fois motivées par leur projet de groupe et quelque peu malhabiles et hésitantes, tant dans leurs sentiments et interactions que dans leurs rêveries plutôt naïves et dérisoires, portées par l’idée de devenir des rock stars au féminin. Certes, il ne se passe pratiquement rien, mais ce rien est cela même que Namashita tente de mettre en scène, à la manière d’un rêve éveillé. Quelques situations cocasses succèdent à ces séances de pratique et de fainéantise et établissent une belle complicité avec le spectateur, sans faute de goût.

L’autre élément assurant le succès de l’entreprise est une idée de casting tout simplement géniale. La participation, inusitée dans un film japonais, de l’actrice coréenne Bae Du-na – figure incontournable du cinéma coréen actuel, déjà aperçue notamment dans Sympathy for Mister Vengeance, Saving my Hubby et The Host – a tôt fait de devenir le principal centre d’intérêt du film. L’irrésistible actrice aux yeux globuleux, visiblement motivée par le projet, offre rien de moins que l’une de ses plus mémorables performances. Son jeu tout en retenue et en finesse accentue le décalage généralisé du film et confère un charme humoristique dévastateur à chacune des scènes où elle apparaît.

Certains reprocheront au film son ennui et son engourdissement chronique. C’est pourtant par cela même que le portrait de ces jeunes adolescentes passionnées de rock est aussi convaincant et touchant. Le rythme lent du film, parsemé de clins d’œil culturels et musicaux savoureux – dont une scène d’anthologie en hommage aux Ramones – parvient à un point culminant et cathartique avec sa finale endiablée et tonitruante, qui nous donne une seule envie : nous lever sur notre siège et hurler « Linda Lindaaaaaaaaaaaaaaaaa », en harmonie cacophonique avec elles. Comptez-moi parmi les membres de leur fan club!

FNC 2006 : The Boss of It All

Filed under: Cinéma danois, Comédie, Festival du nouveau cinéma 2006 — Marc-André @ 20:05
The Boss of It All

The Boss of It All

Lars von Trier traverse une crise artistique et existentielle. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est lui. Prenant une pause après avoir réalisé Dogville et Manderlay, les deux premiers épisodes de son ambitieuse saga sur l’Amérique, le voilà qui accouche d’une comédie légère et désopilante qui se moque de la vie et du travail en entreprise – un peu comme si The Office était repris sous la lorgnette décapante de l’humour noir danois.

Sommes-nous devant un Lars von Trier en mode mineur? Très certainement, si on compare ce film à l’ensemble de la filmographie mégalomane du tyran et maître danois. Ce qui ne devrait pas pour autant nous faire bouder notre plaisir devant ces élucubrations risibles mais savoureuses et joyeusement bien envoyées.

Suivons donc les péripéties hilarantes de Kristoffer (Jens Albinus, excellent), un acteur sans travail qui est assez idiot pour accepter une offre plutôt inusitée. Ravn (Peter Gantzler), propriétaire d’une petite entreprise de services informatiques, lui propose de jouer le rôle du grand patron de l’entreprise, que les employés n’ont jamais vu. Et pour cause : il n’existe pas, Ravn se réfugiant derrière ce personnage créé de toutes pièces lorsqu’il doit effectuer des décisions qui risquent de créer des remous parmi ses employés. Or Ravn s’apprête à vendre la compagnie à des intérêts islandais dirigés par le très caractériel Finnur (Fridrik Thor Fridriksson, hilarant), et il souhaite faire passer la pilule à ses employés tout en amadouant son acariâtre partenaire d’affaires par l’entremise de l’acteur. Celui-ci se retrouve bientôt pris dans une série de quiproquos et de malentendus pour le moins inconfortables, qui le placent dans une situation bien périlleuse.

Avec von Trier, on pouvait s’attendre à une satire absolument virulente du monde du travail. Ce qu’il effectue ici avec une énergie et une malice étonnantes pour un auteur qui se dit en perte de créativité. Certes, on pourra faire le même reproche au cinéaste que ce que l’on a pu dire à propos de sa trilogie sur l’Amérique : connaît-il seulement l’univers qu’il met en scène? Les situations professionnelles qui sont présentées dans The Boss of it All pourront sembler bien peu crédibles aux yeux de certains. Le ton est délibérément théâtral à l’excès et largement improvisé, versant continuellement dans la caricature et l’absurde. Mais force est d’avouer que les coups sont bien portés – les dialogues sont dévastateurs, aucun personnage n’est épargné, et il est évident, pour une fois, que Lars von Trier ne se prend pas très au sérieux dans cette farce qui écorche superficiellement la société danoise et le monde des affaires.

Le rusé cinéaste opte pour un style à l’apparence volontairement bâclée – von Trier ayant utilisé un curieux procédé nommé « Automavision », qu’il décrit comme une méthode de sélection arbitraire d’angles et de prises de vue effectuée par ordinateur. Les plans s’enchaînent de manière incongrue, parfois mal découpés ou raccordés. Loin d’être désagréable, ce procédé qui pastiche l’amateurisme est en parfait accord avec le propos et l’angle satirique de son sujet, et peut même être considéré comme une parodie de ses propres prétentions démirugiques.

Les interventions amusées de von Trier lui-même à la narration en voix hors champ et le mode de distanciation brechtien qu’il continue d’utiliser au sein de cet exercice de défoulement ludique et libérateur ne sauraient nous tromper : même fatigué et aigri, Lars von Trier sait frapper juste et fort. Ici, la légèreté est certes quelque peu juvénile, mais aussi contagieuse et complice avec le spectateur. Souhaitons qu’elle agisse comme un ressourcement.

FNC 2006 : I Don’t Want to Sleep Alone

Filed under: Cinéma taïwanais, Festival du nouveau cinéma 2006 — Marc-André @ 14:24
I Don't Want to Sleep Alone

I Don't Want to Sleep Alone

Kuala Lumpur, Malaisie. Un homme est tabassé dans la rue (Lee Kang-Sheng, acteur fétiche et alter ego du cinéaste). Un travailleur immigré du Bengladesh s’occupe de lui, non sans cultiver une attirance trouble. Mais l’éclopé a du mal à récupérer. Remis sur pied, il rencontre une serveuse qui prodigue des soins au fils paralytique de son patron. Le désir naît entre ces deux personnages solitaires. Au même moment, un smog menaçant provenant d’Indonésie s’abat sur la ville, soudainement enveloppée d’un nuage asphyxiant.

Après le délire musical et sexuel de The Wayward Cloud, I Don’t Want to Sleep Alone marque le retour du Tsai Ming-Liang à l’approche contemplative et narcoleptique, qui plongera le spectateur dans un état d’envoûtement semi-éveillé, ou de profonde exaspération endormie, selon les affinités que l’on porte à ce cinéma au rythme lent, radical jusqu’à l’extrême.

Pour son premier film tourné en sol natal malaisien, Tsai poursuit l’exploration de ses thématiques de prédilection, devenues de véritables et très personnelles obsessions. De nouveau, on retrouve l’atmosphère de vague menace écologique et de fin du monde qui caractérise ses meilleurs films – en particulier The Hole. Le symbole de l’eau, plus que jamais présent avec ces immeubles inondés et l’humidité ambiante, écrasante et palpable, baigne le film dans un état de torpeur sensuelle engourdissante, qui conditionne les rapports humains. Et comme toujours chez Tsai Ming-Liang, les personnages sont quasi muets, hagards et passifs, solitaires mais poussés par leurs pulsions sexuelles, établissant des rapports quasi primitifs entre eux, au sein d’espaces abandonnés ou en état de décomposition avancée, échos d’une société en décrépitude.

On sent toutefois une grande compassion et une profonde humanité dans les gestes affectueux et attentifs que ces êtres établissent entre eux, de même que dans leurs étreintes, moins désespérées que dans certains autres films de l’auteur taïwanais. Un humour décalé et savoureux est également omniprésent à des moments inattendus, notamment dans des scènes d’étreintes à l’érotisme détourné, où les amants tentent de s’embrasser en portant des masques, l’air irrespirable les faisant littéralement suffoquer. Tsai atténue ainsi l’aspect apocalyptique de la crise environnementale qui s’installe dans la deuxième partie du film, en concentrant de nouveau son regard sur la dimension charnelle des rapports humains.

Sur le plan visuel, la mise en scène du réalisateur atteint de nouveaux sommets de beauté. Les longs plans presque fixes, très composés et étirés à leur paroxysme, façonnent de nouveau cet univers hermétique, très exigeant envers le spectateur. Les cinéphiles allergiques à la démarche du réalisateur ne trouveront rien pour se réconcilier ici. Mais si on laisse porter par l’atmosphère lancinante, il y a de quoi être ébloui par certaines scènes fortes d’une poésie étrange et fascinante.

I Don’t Want to Sleep Alone est une oeuvre dense et catatonique, noyée dans un climat délétère, réalisée de main de maître par un cinéaste refusant tout compromis artistique.

27 octobre 2006

FNC 2006 : La tourneuse de pages

Filed under: Cinéma français, Festival du nouveau cinéma 2006, Thriller — Marc-André @ 20:22
La tourneuse de pages

La tourneuse de pages

Excellente surprise que ce cinquième film de Denis Dercourt, qui révèle un talent cinématographique qu’on était loin de lui soupçonner. Cet ancien musicien et professeur de conservatoire devenu cinéaste utilise à merveille un milieu qu’il connaît parfaitement – celui de la musique classique – pour nous proposer un thriller psychologique machiavélique qui repose sur une construction impeccable et un sens étonnant du suspense. Pour tout dire, La Tourneuse de pages est une réussite que l’on n’attendait pas, dans un registre noir et cruel qui place soudainement Denis Dercourt du côté de Claude Chabrol.

Le scénario, diabolique et pervers à souhait, mais tout en demi teintes, raconte la vengeance orchestrée par une apprentie pianiste (Déborah François, découverte dans L’Enfant, des frères Dardenne) ayant échoué son examen d’entrée au conservatoire à cause de la directrice du jury (Catherine Frot), une célèbre professeure et pianiste qui lui fait perdre son sang-froid lors de l’audition. Dix ans plus tard, la jeune fille se fait engager par le mari de la pianiste (Pascal Greggory), en tant que tourneuse de pages pour celle-ci. On sait qu’elle cherchera à se venger; ce qu’il reste à découvrir, c’est comment.

On ne saurait trouver meilleure personne que Denis Dercourt pour explorer les affres que vivent ces musiciens tourmentés par le trac, les risques de blessures physiques et l’obsession maladive de la réussite et de la performance parfaite. Le cinéaste connaît manifestement ce milieu et les gens qui le composent sous toutes leurs coutures, et il confère une authenticité des plus évidentes à la mise en situation et à l’arrière-plan social et professionnel du film. La mise en scène est elle aussi réglée au quart de tour, à la manière d’une sonate, et épouse un classicisme au diapason de l’univers bourgeois et codé qu’elle transpose à l’écran. C’est avec une grande économie de moyens et d’effets et pratiquement sans maniérisme que le cinéaste aborde le milieu musical, au moyen d’un regard particulièrement acide et cinglant. D’évidence, Dercourt a affiné son art.

Mais plus qu’un film sur la musique, La tourneuse de pages est un thriller, et un solide de surcroît, explorant le milieu de la musique sous l’angle des classes sociales (en lointain écho à La Pianiste, de Haneke), et offrant une brillante variation glaciale sur le thème éculé de la vengeance. Dans le rôle d’une jeune vengeresse énigmatique et insaisissable, Déborah François continue d’impressionner, dans un registre fort différent de celui de son premier rôle au cinéma. Pour sa part, Catherine Frot est toujours aussi impeccable. Les deux actrices abordent leurs personnages avec nuance et justesse, menant cette relation imprévisible dans de fascinantes zones troubles.

Devenu le temps d’un film l’émule inattendue du Chabrol de La Cérémonie et de Merci pour le chocolat, Denis Dercourt effectue un passage remarquable du coté du thriller. Souhaitons qu’il poursuivre sur cette voie.

FNC 2006 : Les amitiés maléfiques

Filed under: Cinéma français, Festival du nouveau cinéma 2006 — Marc-André @ 19:56
Les amitiés maléfiques

Les amitiés maléfiques

Il est le fils de l’éminent sociologue Pierre Bourdieu, et scénariste d’Arnaud Desplechin. Avec cette bouleversante exploration des rapports de force qui conditionnent les interactions d’un groupe d’étudiants de littérature, il peut aussi être désormais considéré comme l’un des cinéaste français les plus essentiels de l’heure. Avec son deuxième long métrage, Emmanuel Bourdieu nous offre une véritable leçon de cinéma qui restera longtemps gravé en mémoire.

Au coeur de cette oeuvre sensible et nerveuse, défilant à tombeau ouvert, se trouve la figure fascinante d’André Morney. Ce jeune homme pourvu d’une érudition redoutable (Thibault Vinçon, absolument stupéfiant) est un brillant orateur et manipulateur d’idées iconoclaste qui a tôt fait d’ensorceler deux nouveaux étudiants sur qui il exerce rapidement un ascendant envahissant. De la figure de mentor, il passe rapidement à celle de mythomane et de terroriste intellectuel qui a tôt fait d’exercer une emprise totale sur ses nouveaux amis, à la fois envoûtés par son charisme et castrés par le contrôle qu’il exerce sur leur pensée et bientôt, sur leur entourage et sur leur vie.

Morceau de bravoure intellectuelle mené à la manière d’un thriller, Les Amitiés maléfiques confirme l’immense talent d’écriture d’Emmanuel Bourdieu. Au niveau des dialogues d’abord, ciselés de main de maître. Les mots d’esprit fusent de toutes parts avec un sens du rythme et un degré d’érudition impressionnants. Scénariste émérite, Bourdieu campe ses personnages avec une grande force de conviction. Rarement aura-t-on une représentation aussi juste du milieu littéraire universitaire et de la jeunesse intellectuelle au cinéma. Il offre également une fine analyse de l’imposture et de la manipulation intellectuelle, des velléités obsessionnelles de reconnaissance, de la terreur psychologique et de la complexité des rapports sociaux et personnels qui s’établissent entre ces jeunes gens.

Il faut ajouter à cette virtuosité sur le plan du scénario une réalisation épousant parfaitement l’aspect passionné et fulgurant de ce portrait intellectuel. La caméra nerveuse tournoie autour des personnages et illustre à la perfection le climat à la fois envoûtant et inquiétant qui entoure la figure de Morney. Mais c’est incontestablement le jeu de l’ensemble des acteurs qui achève de faire de ce film une oeuvre aussi formidable. Jacques Bonaffé, Natacha Régnier, Malik Zidi et Alexandre Steiger sont tous excellents dans leurs rôles respectifs, mais c’est Thibault Vinçon qui emporte le morceau et qui s’impose comme la véritable révélation de ce film. Son portrait d’un individu trouble et destructeur est tout simplement bouleversant.

Les Amitiés maléfiques est un véritable triomphe d’intelligence et d’érudition sensibles qui est dénué de la prétention et de la suffisance qui entachent trop souvent la représentation des milieux littéraires et philosophiques. Amateurs de littérature et de philosophie, voilà un visionnement qui s’impose sans attendre.

26 octobre 2006

FNC 2006 : Offside

Filed under: Cinéma iranien, Festival du nouveau cinéma 2006 — Marc-André @ 20:16
Offside

Offside

Fin observateur de la société iranienne, Jafar Panahi poursuit la radioscopie courageuse de son pays en un utilisant un événement – ici, la coupe du monde de soccer – pour mieux en explorer les travers et les contradictions révélatrices.

En continuité avec la démarche amorcée avec  Le Cercle, mais sur une note moins grave, presque moqueuse, Panahi brouille davantage les frontières entre la fiction et le réel avec Offside. Pour ce faire, il se sert avec une grande justesse du prétexte documentaire afin de mettre en lumière et dénoncer l’injustice du sort réservé aux femmes iraniennes, ici révélé plus particulièrement par l’interdiction de participer aux rassemblements sportifs. Fidèle à son approche hyperréaliste, le cinéaste présente les péripéties de quelques jeunes filles qui, le temps d’une journée, se déguisent en hommes et tentent de s’infiltrer par tous les moyens possibles dans un stade de Téhéran, afin d’assister à un match de la coupe mondiale de soccer. Bien sûr, leur entreprise téméraire sera parsemée d’obstacles.

Le film est tourné avec des acteurs non professionnels, dans un état de fébrilité et d’agitation qui accentue l’authenticité du portrait. Jafar Panahi exploite à merveille le potentiel narratif de cette situation absurde, sans insister sur l’aspect dénonciateur du sujet – ici, la situation, ridicule en elle-même, est abordée sous l’angle du réalisme, davantage que celui du dramatique et du tragique. Le film pourra ainsi être considéré comme une oeuvre mineure et légère, lorsque comparée avec la noirceur et la gravité bouleversante de ses films précédents.

Offside confirme pourtant la pertinence du regard du cinéaste, en parfaite continuité avec le style réaliste du cinéma iranien contemporain. Le film offre en outre d’admirables personnages de jeunes femmes défiant la loi et l’autorité, et dont on admire le culot. Celles-ci, fort éloignées de la représentation soumise et effacée qui est véhiculée par les médias occidentaux, se révèlent de véritables passionnées de soccer qui, loin d’être intimidées lorsqu’elles sont interceptées par les officiers en place, font preuve d’une détermination confondante. Leurs conversations avec des soldats, stupéfiantes d’authenticité, sont l’occasion pour Panahi d’esquisser une fine analyse des rapports sociaux entre hommes et femmes.

Fort d’une apparente légèreté qui n’exclut pas la rigueur, Offside est très certainement un autre fascinant exemple de la pertinence et de l’acuité du regard du cinéma iranien actuel.

25 octobre 2006

FNC 2006 : Avida

Filed under: Cinéma français, Festival du nouveau cinéma 2006 — Marc-André @ 14:37
Avida

Avida

Deuxième long métrage du tandem irrévérencieux et provocateur de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Avida propose une succession de sketches surréalistes obscurs et hilarants, tournés dans une atmosphère de délire absolu.

Je me garderai bien de tenter de résumer le propos de ce film, tant il file dans tous les sens et échappe à tout entendement raisonnable. Je me contenterai de dire qu’il y aura plusieurs humains étranges, quelques animaux incongrus et bien des péripéties incompréhensibles qui parsèmeront l’expérience.

Film d’initiés, ce brûlot anarchiste complètement irrécupérable ne plaira qu’à une poignée de cinéphiles avertis qui seront prêts à suivre ces deux hurluberlus jusqu’au bout de leur radicalité artistique référentielle, ouvertement inscrite sous le patronage de Luis Bunuel, Salvador Dali et Fernando Arrabal – ce dernier apparaît d’ailleurs dans le film.

Filmée en noir et blanc et proposant de nombreuses scènes déstabilisantes carburant à l’absurdité, cette œuvre refuse tout compromis et multiplie les hommages à l’esprit et aux œuvres des maîtres du surréalisme. Si l’ensemble s’avère franchement inégal, surtout dans sa deuxième partie, plusieurs moments sont particulièrement loufoques et irrésistibles. De nombreux caméos savoureux viennent titiller l’esprit du spectateur : les Jean-Claude Carrière, Kati Outinen, Albert Dupontel et Mathieu Kassovitz effectuent leur tour de piste, mais la palme revient sans conteste à Claude Chabrol, le temps d’un monologue d’anthologie portant sur les vertus du chevreuil.

En fin de parcours, ce pavé moqueur asséné avec violence par des potaches irrévérencieux transforme progressivement son assaut hystérique en une allégorie symbolique et apaisée mettant en scène des acteurs au physique inhabituel. Ainsi se déploie ce clin d’œil complice à Un chien Andalou qui revisite Freaks, avec un sévère accent d’inénarrable humour belge.

Il y a fort à parier que ce manifeste libérateur se heurtera à l’hostilité de la majorité des cinéphiles. Pour les quelques rares aficionados, ce sera un moment de pure – et rare – réjouissance.

24 octobre 2006

FNC 2006 : Flandres

Filed under: Cinéma français, Festival du nouveau cinéma 2006 — Marc-André @ 13:51
Flandres

Flandres

Quatrième film du controversé cinéaste français Bruno Dumont, lauréat du Grand Prix du jury du Festival de Cannes, Flandres dresse de nouveau un portait dur et impitoyable de la nature humaine. Déterminé à nous jeter au visage nos instincts les plus bas et inavouables, à la manière d’une catharsis purificatrice, le cinéaste s’attaque cette fois à un sujet d’actualité, maintes fois exploré au cinéma : la guerre et ses ravages physiques et psychologiques. Aussi bien dire un terrain fortement miné, qui laisse peu de place pour une approche originale. Et il est vrai que cette fois, Dumont ne nous surprend guère avec cette chronique en trois temps, l’avant, le pendant et l’après, tant il avance sur des sentiers déjà battus. Mais son style distancié et primitif inimitable est toujours aussi fascinant et percutant.

Le début du récit marque le retour de Dumont au sein de la campagne du Nord de la France, après l’aparté cauchemardesque des déserts de Twentynine Palms, tourné en sol états-unien. Son regard s’attarde cette fois sur deux êtres marqués par la solitude et l’ennui : Demester (Samuel Boidin, déjà aperçu dans La Vie de Jésus) et Barbe (Adélaïde Leroux), deux amis qui satisfont leurs besoins sexuels de manière mécanique et expéditive, sans développer de relation intime. Barbe a la cuisse légère, et elle jette son dévolu affectif sur un autre garçon nommé Blondel (Henri Cretel). Mais son nouvel amoureux et Demester doivent partir au front, dans un pays et pour une guerre qui resteront non identifiés. Pendant que Barbe reste seule au village et comble son vide existentiel auprès de fermiers dégoûtants, les jeunes hommes découvrent toute l’horreur du monde, plongeant eux-mêmes dans la barbarie à pieds joints.

Manipulant plus que jamais des éléments aux frontières de la complaisance et de l’exploitation sensationnaliste – on passe du cliché sexiste de la fille facile aux actes ignobles de soldats coupables de viol et du meurtre d’innocents – Bruno Dumont affine son style en conservant la pureté de son regard clinique et l’âpreté de son approche, à la fois maniérée et réaliste. Le contraste est toujours aussi saisissant entre la beauté solennelle des paysages, captés avec une rare aptitude à rendre palpable l’expérience sensorielle et organique de notre rapport au monde, et l’agitation chaotique des êtres humains, mus par une pulsion primitive les poussant vers le sexe et la mort.

L’épisode central de la guerre offre une rupture violente avec le calme tranquille du village des Flandres. Baignée dans une lumière crue et basculant dans une brutalité sauvage qui est filmée avec une froideur déconcertante, cette partie n’est pas sans rappeler le Full Metal Jacket de Kubrick, par le dépouillement de la mise en scène et l’aspect anti-héroïque et sordide des situations, qui exposent l’horreur dans ce qu’elle a de plus banal et vicieux.

Tourné avec des acteurs non professionnels, Flandres ne réconciliera donc aucun des nombreux détracteurs de Dumont avec les aspects repoussants et dévastateurs de son univers. L’épure de la mise en scène, faite de longs plans immobiles et d’un rythme très lent soudainement ponctué de scènes troublantes ou insoutenables, poursuit la démarche exigeante d’un cinéaste dont on ne peut que saluer la rigueur formelle et la détermination intellectuelle. Sans être le meilleur film de sa difficile mais passionnante filmographie, il démontre que Dumont maîtrise parfaitement son art, et qu’il est prêt à explorer de nouvelles avenues, en particulier dans une dernière partie qui laisse poindre l’émotion, au terme d’un parcours éprouvant.

23 octobre 2006

FNC 2006 : Red Road

Filed under: Cinéma anglais, Drame, Festival du nouveau cinéma 2006 — Marc-André @ 14:05
Red Road

Red Road

Premier film, et coup de maître. Red Road a raflé une panoplie de prix internationaux, dont le prestigieux prix du jury du festival de Cannes en 2006. De bien judicieuses récompenses pour ce thriller exceptionnel, qui utilise à merveille l’esthétique danoise Dogma afin de raconter la dérive obsessive de Jackie (Kate Dickie, sublime), employée d’une agence de vidéosurveillance urbaine qui développe une fixation intrigante pour un homme louche (Tony Curran), qu’elle traque aux moyens de caméras installés à travers la ville.

Tourné dans la ville de Glasgow, en Écosse, mais indéniablement sous l’influence de l’école hyperréaliste danoise (Arnold a tiré profit des conseils de Lone Sherfig et d’Anders Thomas Jensen pour son scénario), Red Road joue sur le double terrain du suspense psychologique le plus pur et du portrait social. Le traitement brut et quasi documentaire d’un milieu prolétaire nous fait d’abord penser à l’approche de Ken Loach revisitée par Michael Haneke, tant la thématique de la surveillance et de l’omniprésence des caméras est troublante. Mais le film plonge rapidement et tête baissée dans la quête mystérieuse du personnage de Jackie, dont on se gardera bien de dévoiler quoi que ce soit, tant le film repose sur une intrigue énigmatique à souhait, et qui se révélera absolument bouleversante.

En chemin, le spectateur aura droit à de nombreuses scènes déstabilisantes et imprévisibles, qui entretiennent un sens du mystère presque insoutenable tout en maintenant le film sur la corde raide. Le récit tire également un maximum d’impact d’une mise en scène glauque et terriblement efficace, qui sème un malaise voyeuriste palpable au moyen d’une caméra indiscrète jusqu’à l’excès, suivant pas à pas les gestes incompréhensibles de Jackie. Dans le rôle titre, Kate Dickie est formidable d’authenticité, dans un registre extrêmement exigeant et difficile. Sa performance nous éblouit au plus haut point, et achève de faire de Red Road un film à voir sa faute.

FNC 2006 : The Bothersome Man

Filed under: Cinéma norvégien, Festival du nouveau cinéma 2006 — Marc-André @ 13:59
The Bothersome Man

The Bothersome Man

Que se passe-t-il quand l’esthétique Ikea entre en collision frontale avec une version kafkaïenne d’un sketch tout droit sorti de The Twilight Zone? On obtient The Bothersome Man, une satire virulente – et norvégienne – de l’aseptisation galopante de la société actuelle. Un film jubilatoire, à l’humour noir dévastateur, qui raconte les péripéties hautement improbables mais foncièrement irrésistibles de Andreas (Trond Fausa Aurvaag, sorte de Pierre Richard scandinave et incrédule au regard piteux), un employé de bureau s’étant déniché un boulot dans une ville étrange qui semble située aux confins du monde existant. Arrivé sur place, il découvre ce qui serait pour plusieurs le profil rêvé : une entreprise qui ne lui impose aucune pression, un mode de vie aisé et confortable et une femme splendide, soumise et dévouée. Mais quelque chose ne tourne pas rond dans ce monde trop lisse et idyllique, notre pauvre bougre assiste à des événements très bizarres et il pressent que ces apparences impeccables et enviables dissimulent une réalité plus trouble, voire horrible. Il n’est effectivement pas au bout de ses peines – et de ses découvertes.

On reconnaîtra ici un canevas maintes fois exploité, tant au cinéma que dans des séries télévisuelles exploitant les registres de l’étrange et de la paranoïa : un individu découvre l’aliénation et le mensonge de la société dans laquelle il évolue. Le cinéaste Jens Lien ne gagnera donc pas des points pour l’originalité de son concept. Il fait toutefois des merveilles avec le traitement de cette idée, avec l’aide d’un scénario habile et délicieusement pervers. La charge sociale est explicite, dénonçant l’embourgeoisement et la superficialité d’une société de consommation carburant au confort, à la superficialité et à l’hypocrisie, où les individus, interchangeables et dénués de la moindre prise de conscience sur le monde, deviennent des caricatures d’êtres humains, insensibles et détachés.

Cette dénonciation est heureusement dénuée de toute lourdeur, tant elle est amenée sous un registre absurde qui multiplie les traits d’un humour corrosif et surréaliste asséné avec malice et complicité envers le spectateur. Sur le plan stylistique, le cinéaste utilise de multiples registres qui créent un effet de surprise réjouissant : tant la comédie que le suspense, et même le fantastique et l’horreur surgissent sans crier gare et se marient parfaitement bien à la démonstration glacée de l’ensemble. Ainsi, le mode de vie scandinave est mis en scène jusqu’à des excès surréalistes, dans une série de tableaux hilarants qui pastichent l’esthétique racoleuse de la décoration intérieure, de la mode et de la publicité, qui en prennent pour leur rhume.

Situé quelque part entre le commentaire social, le conte paranoïaque et la parodie esthétique, The Bothersome Man gagne son pari sur tous les tableaux et procure un vif plaisir cinéphile.

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