Film modeste, rafraîchissant et dénué de prétention, Linda Linda Linda offre un pur moment de bonheur. L’histoire est rudimentaire et s’avère, en bout de ligne, bien peu importante. Le récit relate la formation d’un groupe rock, par trois jeunes adolescentes japonaises et une étudiante coréenne. Celles-ci n’ont que quelques jours pour se pratiquer, car elles souhaitent donner un concert lors d’une fête scolaire. En une succession de scènes à l’apparence banale, où les événements sont quasi inexistants, le cinéaste Nobuhiro Yamashita part de cette idée convenue et offre un délicieux et surprenant portrait de l’adolescence nipponne, marqué d’un humour légèrement décalé et d’une douce nostalgie envahissante.
La réussite de cette œuvre attachante repose sur deux éléments. En premier lieu, sur l’aptitude admirable du cinéaste à capter l’essence même du fait d’être adolescent. Cette nonchalance alanguie est rendue avec une rare justesse à l’écran. On assiste ainsi avec attendrissement aux flâneries paresseuses de ces jeunes filles, à la fois motivées par leur projet de groupe et quelque peu malhabiles et hésitantes, tant dans leurs sentiments et interactions que dans leurs rêveries plutôt naïves et dérisoires, portées par l’idée de devenir des rock stars au féminin. Certes, il ne se passe pratiquement rien, mais ce rien est cela même que Namashita tente de mettre en scène, à la manière d’un rêve éveillé. Quelques situations cocasses succèdent à ces séances de pratique et de fainéantise et établissent une belle complicité avec le spectateur, sans faute de goût.
L’autre élément assurant le succès de l’entreprise est une idée de casting tout simplement géniale. La participation, inusitée dans un film japonais, de l’actrice coréenne Bae Du-na – figure incontournable du cinéma coréen actuel, déjà aperçue notamment dans Sympathy for Mister Vengeance, Saving my Hubby et The Host – a tôt fait de devenir le principal centre d’intérêt du film. L’irrésistible actrice aux yeux globuleux, visiblement motivée par le projet, offre rien de moins que l’une de ses plus mémorables performances. Son jeu tout en retenue et en finesse accentue le décalage généralisé du film et confère un charme humoristique dévastateur à chacune des scènes où elle apparaît.
Certains reprocheront au film son ennui et son engourdissement chronique. C’est pourtant par cela même que le portrait de ces jeunes adolescentes passionnées de rock est aussi convaincant et touchant. Le rythme lent du film, parsemé de clins d’œil culturels et musicaux savoureux – dont une scène d’anthologie en hommage aux Ramones – parvient à un point culminant et cathartique avec sa finale endiablée et tonitruante, qui nous donne une seule envie : nous lever sur notre siège et hurler « Linda Lindaaaaaaaaaaaaaaaaa », en harmonie cacophonique avec elles. Comptez-moi parmi les membres de leur fan club!