Travelling Avant

26 juillet 2009

Fantasia 2009 : Rough Cut

Filed under: Action, Cinéma sud-coréen, Fantasia 2009 — Marc-André @ 16:27
Rough Cut

Rough Cut

Devenue en une dizaine d’années l’une des cinématographies les plus remarquées à l’échelle mondiale, la Corée du Sud démontre des signes de grande vitalité cette année à Fantasia. Certains commentateurs ont pu récemment faire état d’un essoufflement de la vague sud-coréenne à la suite de la réduction des quotas réservés aux productions locales, un système qui avait favorisé le formidable essor de l’industrie du cinéma sud-coréen. Les cinéphiles seront toutefois rassurés de constater qu’un grand nombre de jeunes cinéastes continuent d’émerger et qu’un renouveau est en cours, comme on a pu le constater au festival avec l’excellent thriller The Chaser et la surprenante comédie noire Crush and Blush, deux moments forts de cette édition. La maison de distribution Evokative a, quant à elle, déniché deux savoureuses perles indépendantes : la désopilante comédie réaliste Daytime Drinking (voir mon compte rendu), et maintenant ce remarquable film d’action nourri de références cinéphiles : Rough Cut, aisément l’une des plus jouissives sélections de l’année.

Première réalisation d’un protégé de Kim Ki-duk, présent en tant que producteur et coscénariste, Rough Cut se déguste, au premier degré, comme une excellente combinaison de comédie, de film de bastonnades (une spécialité sud-coréenne notoire) et d’intrigues liées au monde des jo-pok, l’univers très typé des gangsters du pays. Tout cela a déjà été vu mille fois dans nombre de productions sud-coréennes, de Friend à City of Violence, mais Rough Cut se distingue brillamment par l’utilisation de procédés de mise en abyme reliés au principe du film dans le film.

Le scénario propose un passionnant face à face entre un criminel et un acteur. Connu pour ses frasques et son tempérament insupportable, Soo-ta doit trouver un partenaire pour jouer dans un film où il tient la vedette. Mais son étoile médiatique entachée fait en sorte que personne n’est intéressé à lui donner la réplique. Il décide donc d’offrir le rôle à un vrai truand, qui n’entend pas à rire. Ce dernier accepte le rôle, à condition que les combats ne soient pas simulés, mais bien réels. Le (faux) film y gagnera en authenticité, mais surtout, en chaos, car ce choix va évidemment occasionner un tournage rocambolesque, ainsi que nombre d’imprévus bordéliques.

L’exploration de jeux de miroir entre réalité et fiction, milieu criminel et imitation cinématographique avait déjà été effectuée dans le remarquable A Dirty Carnival, présenté à Fantasia en 2007 (compte rendu). Mais Rough Cut exploite ce filon de manière fort différente et très inspirée, avec des résultats fantastiques. Le cinéaste Jang Hun se permet des salves humoristiques cinglantes envers l’industrie cinématographique sud-coréenne : le star system, les managers de vedettes et la folie des fans en prennent pour leur rhume, tout comme les conditions de tournage, évoquées avec un sens impeccable de la comédie ironique, notamment par le biais de l’hilarant personnage du (faux) réalisateur, dénommé Bong – serait-ce une allusion au (vrai) cinéaste de The Host?

Rough Cut se situe résolument sur le terrain du divertissement, mais une utilisation intelligente et bien dosée des effets de mise en abyme ainsi que des personnages bien campés par de très bons (vrais) acteurs lui confèrent un sacré caractère et une originalité qui permettent de le hisser dans une classe à part. Une acquisition de taille pour Evokative, il s’agit d’une oeuvre incontournable pour les amateurs de cinéma sud-coréen. À surveiller de près lors de sa sortie.

Fantasia 2009 : The Children

Filed under: Cinéma anglais, Fantasia 2009, Horreur — Marc-André @ 12:08
The Children

The Children

Chaque année, certaines thématiques se démarquent plus que d’autres au sein de la sélection de Fantasia. Et cette treizième édition met très certainement la famille à l’avant-plan, pour ne pas dire à rude épreuve. Dysfonctionnelle, recomposée, décomposée ou carrément pulvérisée, la sphère familiale est le lieu de tous les psychodrames et de toutes les horreurs. Depuis le début du festival, la maternité, les difficiles relations parents-enfants et le traumatisme des dynamiques familiales sont auscultés sous diverses facettes, parfois de manière humoristique, souvent sous un angle résolument dramatique et choquant, dans des oeuvres aussi différentes que Nightmare Detective 2, The Wild and Wonderful Whites of West Virginia, Blood River, Kaifeck Murder, Combat Shock et, bien sûr, Grace. Les enfants ne sont pas en reste non plus, notamment avec Orphan et surtout, The Children.

Ce dernier s’inscrit résolument dans le sous-genre horrifique inconfortable des enfants maléfiques, ou plutôt, des enfants tueurs. Une thématique qui peut facilement sombrer dans le registre du plus douteux mauvais goût, mais qui compte également son lot de réussites dérangeantes, notamment The Brood, de David Cronenberg, le percutant Who Can Kill a Child?, du cinéaste espagnol Narciso Ibáñez Serrador, et plus récemment, Vinyan, de Fabrice du Welz (voir ma critique). The Children fait indéniablement partie de cette dernière catégorie.

Dans ce film au déroulement implacable, deux familles qui se sont réunies à l’occasion du congé de Noël vont basculer dans l’horreur d’un cauchemar abominable, entre les mains de leur progéniture devenue soudainement et inexplicablement sanguinaire. D’abord victimes de mystérieux malaises, les bambins, de plus en plus tendus et agités, développent une véritable furie qui va s’abattre sur des parents soudainement en proie à un contexte de survie hostile et inimaginable.

Amorcé avec des traits acérés et cinglants assénés en direction d’adultes dont il dissèque sans ménagement l’hypocrisie et les contradictions, le scénario retors et redoutable du cinéaste Tom Shackland insuffle une fine dose d’allusions fantastiques et d’ambiguïté psychologique en ouverture, avant de faire pivoter le récit dans des directions à la barbarie surprenante.

The Children assume pleinement ses velléités horrifiques, et la thématique de l’horreur infantile est poussée dans ses derniers retranchements tout au long de cette oeuvre macabre à souhait et remarquablement bien exécutée. Le contexte hivernal est bien exploité, et la suite des événements, parfaitement maîtrisée, réserve un lot élevé de scènes choquantes à faire grincer des dents. Certes, on pourra chipoter sur certaines invraisemblances ou sur la dimension malsaine de ses débordements morbides, mais il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un film d’horreur d’excellente qualité, semant le malaise à la perfection, tout en s’inscrivant avec panache parmi la passionnante nouvelle vague d’horreur britannique.

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