Travelling Avant

11 juillet 2008

Fantasia 2008, jour 9 : The Objective, Adrift in Tokyo, Shadows in the Palace, X-Cross, Bad Biology

Filed under: Cinéma américain, Cinéma japonais, Cinéma sud-coréen, Fantasia 2008 — Marc-André @ 00:16

Carnets Fantasia 2008 : vendredi 11 juillet

The Objective (Daniel Myrick, États-Unis, 2008)

The Objective (Daniel Myrick, États-Unis, 2008)

Nous sommes bientôt arrivés à mi-parcours, et le festival ne montre aucun signe d’essoufflement, bien au contraire. Plusieurs invités internationaux prestigieux sont en ville, et cette deuxième fin de semaine promet de nombreuses pièces de résistance, notamment deux séances de minuit très attendues et une série consacrée à des trésors inconnus du cinéma japonais des années soixante. On aimerait pouvoir posséder la capacité de se dédoubler afin de pouvoir assister à tous les films intéressants qui sont au programme, mais inutile de rêver en couleur, il faudra faire des choix, parfois déchirants. Commençons par le retour de Daniel Myrick, qui s’est fait un nom avec The Blair Witch Project, le film ayant amorcé la vague du cinéma-vérité qui connaît un véritable essor à l’heure actuelle dans le cinéma de genre, comme en témoigne la thématique intitulée « Playback in Black », à l’honneur au festival cette année.

Son nouvel opus, The Objective, ne fait toutefois pas partie de cette sélection, car la technique de la caméra subjective, bien que toujours présente, y occupe une place plus restreinte. Le cinéaste explore plutôt de nouveaux territoires avec ce récit fantastique situé en Afghanistan, dans lequel une troupe d’élite est chargée d’une mission secrète aux confins du monde afin de retrouver un mystérieux individu recherché par un expert qui pourrait bien avoir des intentions cachées. L’idée de départ rappelle Apocalypse Now!, en beaucoup moins ambitieux et élaboré bien sûr, mais la mission militaire bifurque du côté d’un thriller surnaturel qui cultive une certaine ambiguïté politique. Rien de bien terrifiant ou spectaculaire à se mettre sous la dent ici, mais le récit parvient à maintenir notre intérêt et notre attention, à défaut de nous captiver entièrement. Une œuvre modeste mais intrigante et efficace.

Adrift in Tokyo (Satoshi Miki, Japon, 2007)

Adrift in Tokyo (Satoshi Miki, Japon, 2007)

La séance suivante nous réserve l’une des plus agréables surprises du festival. Sans coup d’éclat mais avec un humour fin et irrésistible, Adrift in Tokyo vise droit avec au cœur grâce à son récit libre et fantaisiste où un jeune homme nonchalant à la coiffure impossible (formidable Jô Odagiri, qui rappelle étrangement les Leningrad Cowboys) accompagne un individu qui lui promet d’annuler ses dettes s’il accepte de déambuler à pied dans Tokyo avec lui… pendant une durée de temps indéterminée.

Mine de rien, leur randonnée dans la mégapole multipliera les situations cocasses, les personnages invraisemblables mais attachants et les rencontres totalement incongrues, tout en abordant subtilement et avec une remarquable économie des thématiques très fortes : le souvenir, la mémoire, la famille, et on en passe. On se délecte des innombrables moments de pur délice comique absurde qui se succèdent tout au long de ce joyeux périple impossible à résumer, avant d’être gagné par une émotion admirablement bien dosée et développée au fil des événements qui ponctuent leur trajectoire, en forme d’errance philosophique habilement dissimulée sous des traits légers et distrayants. Un objet cinématographique non identifié d’une grande sensibilité, à la douce folie communicative, comme seuls les nippons savent les concocter.

Shadows in the Palace (Kim Mee-jung, Corée du Sud, 2007)

Shadows in the Palace (Kim Mee-jung, Corée du Sud, 2007)

On change de salle, de genre, d’ambiance et de pays avec Shadows in the Palace, un thriller sud-coréen d’époque à la manière de Blood Rain ou de The Name of the Rose. Fort d’une réalisation soignée, ce premier long métrage possède la particularité d’être réalisé par une femme, et d’être situé dans l’univers secret et impitoyable des servantes de la cour de la dynastie Joseun.

Presque entièrement féminin, ce vase clos fait de solidarités, de jalousies et de trahisons offre un contexte original, fort bien exploité au fil d’une intrigue amorcée par la découverte de la mort suspecte de l’une d’elles. Une infirmière mène l’enquête, et tente de percer un mystère qui dévoile des ramifications de plus en plus complexes et entremêlées à mesure que le récit progresse. La mise en scène et la direction artistique font preuve d’un indéniable savoir-faire qui est devenu la marque de commerce du cinéma sud-coréen grand public, tandis que le scénario hésite entre le suspense et le surnaturel, avec quelques effets horrifiques disséminés ça et là. On regrettera que la dernière partie se perde dans un dédale de révélations et de revirements narratifs qui sèment la confusion, mais cette production vaut le détour pour les amateurs du genre.

X-Cross (Kenta Fukasaku, Japon, 2007)

X-Cross (Kenta Fukasaku, Japon, 2007)

Après un casse-tête sud-coréen, pourquoi pas une bonne dose de folie furieuse à la japonaise? Le sérieux est mis au placard avec X-Cross, une bizarrerie inqualifiable et complètement ridicule signée Kenta Fukasaku, fils du légendaire réalisateur de Battle Royale. Fiston n’avait pas laissé une bonne impression lorsqu’il avait dû remplacer son père à pied levé pour terminer la suite quelconque de cette œuvre marquante. Pourra-t-il faire ses preuves et trouver un meilleur accueil avec cet objet filmique sérieusement fêlé du cabochon? Eh bien la réponse est oui, à condition que l’on accepte l’invraisemblable mise en situation, le ridicule systématique du récit et la niaiserie bien assumée de ce faux film d’horreur qui se transforme rapidement en délire comique jubilatoire sur l’acide.

Deux jeunes filles parties se détendre dans un spa y découvrent que les habitants du village qui les accueille ont de bien curieuses et inquiétantes pratiques rituelles. Disons qu’ils sont fétichistes du pied, mais de manière un peu extrême. Tout est en place pour un film d’horreur formaté pour adolescents. Mais Fukasaku fils choisit judicieusement de déjouer les attentes et de s’amuser un peu avec les conventions du genre. D’abord en proposant un dispositif narratif surprenant, fait d’habiles retours en arrière qui dévoilent des événements simultanés. Ensuite en privilégiant un humour grotesque, des personnages farfelus et des situations totalement absurdes où triomphe une bêtise sans prétention, qui évite de verser dans la surenchère. À la place, on a droit à un numéro de cirque qui ne lésine pas sur les extravagances et qui suscite l’hilarité à maintes reprises. C’est vendredi soir, et cette fantaisie macabre disjonctée à cinq sous remplit parfaitement son mandat : celui de divertir la foule avec un soupçon de démence. Mission accomplie.

Bad Biology (Frank Henenlotter, États-Unis, 2008)

Bad Biology (Frank Henenlotter, États-Unis, 2008)

Il fallait terminer ce vendredi comme il se doit, c’est-à-dire avec une séance de minuit délirante. Et celle-ci était particulièrement attendue, avec une excitation et une fébrilité palpables. Annoncé comme l’un des grands événements subversifs de cette douzième édition, le retour de Frank Henenlotter, auteur des cultissimes Basket Case, Frankenhooker et Brain Damage, aura même été accueilli avec une ovation debout de la part d’une grande partie de la foule, qui l’a acclamé spontanément lorsqu’il est monté sur scène afin de présenter Bad Biology, son premier long métrage après seize ans d’absence.

C’est dire à quel point sa filmographie fait l’objet d’un culte auprès de certains cinéphiles. Tout était en place pour une projection mémorable. Malheureusement, ce brûlot irrécupérable a eu l’effet d’un pétard mouillé sur votre humble serviteur. Le film débute sur des chapeaux de roue et se mérite très certainement des points du côté de son concept complètement pervers, de son effronterie malsaine et de son irrévérence tordue, mais il n’est pas le chef-d’œuvre trash espéré par certains. Après un début très inspiré et décadent à souhait, cette farce ultra sexuelle et complètement grotesque vire rapidement au procédé, faute d’avoir pu développer suffisamment les idées initiales du projet – à la fois géniales et génitales! – et dont le potentiel s’essouffle rapidement.

Il s’ensuit une banale répétition de séquences recourant systématiquement à l’exploitation d’un érotisme convenu et peu inspiré. Le montage sonore, plutôt brouillon, rend la narration pratiquement impossible à discerner. Celle-ci se retrouve noyée dans une trame musicale hip hop terne et répétitive, qui semble mal adaptée au récit. Il faut dire également qu’en seize ans, le public cinéphile a eu la chance de voir plusieurs œuvres extrêmes qui vont beaucoup plus loin que celle-ci, ce qui atténue la portée des effets chocs et du degré de subversion affiché par le cinéaste. Malgré ces ratés, compréhensibles après une aussi longue absence, on ne peut qu’éprouver de la sympathie pour cet irrécupérable énergumène qui persiste et signe, envers et contre tous. Souhaitons qu’il puisse récidiver bientôt avec une œuvre plus achevée.

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.